Nous célébrons les 50 ans de la naissance au ciel de Mgr Théophile Mbemba, mort le 14 juin 1971 à Brazzaville à 5 heures 45 du matin à l’hôpital Général (CHU d’aujourd’hui). La messe de ses obsèques fut présidée par Son Eminence le Cardinal Joseph Malula, archevêque de Kinshasa (Qui était mort aussi le 14 juin, mais en 1989, 32 ans cette année), le mardi 22 juin 1971 à 15 h en la cathédrale Sacré-Cœur de Brazzaville, en présence de plusieurs évêques, prêtres, religieux, religieuses et de nombreux fidèles venus de partout.

Brève biographie
Né le 6 mai 1917 pendant le mois marial à Bivouavouala (Mpiaka, Brazzaville), de Joseph Bounkazi et de Marie Malounga. Il avait des frères et sœurs, très unis et fraternels. L’un des ses frères, Jacques Massengo moniteur de l’école primaire, le prit avec lui pour l’inscrire à l’école de Kindamba. Il sera baptisé à Saint Théophile de Kindamba le 3 juin 1925 avec comme parrain Louis Mabela. Suivant avec assiduité son catéchisme, il reçut le sacrement de l’Eucharistie, le 2 mai 1926 et sa confirmation le 30 juin de la même année dans cette paroisse qui porte le nom de son saint patron. En 1927, son frère aîné, Jacques Massengo est réaffecté à Brazzaville pour enseigner à l’école Sainte Jeanne D’Arc, derrière la cathédrale Sacré-Cœur. En 1930, se sentant appelé dans le sacerdoce en vue d’être prêtre, il fera sa demande d’entrée au séminaire avec son ami, Fulbert Youlou. Pour les cours secondaires, il sera envoyé au Séminaire d’Akono au Cameroun, puis en 1936, il intégrera le Grand séminaire de Yaoundé. De 1939 à 1945, pendant la deuxième guerre mondiale, il sera au Grand séminaire Saint Jean de Libreville, au Gabon pour la théologie. De retour à Brazzaville en 1945, il terminera son cycle de théologie avec le Père Auzanneau, un prêtre spiritain d’une spiritualité remarquable. Le 9 juin 1946 en la fête de la Pentecôte, il sera ordonné prêtre avec quatre autres: l’abbé Fulbert Youlou (premier Président de notre pays, enterré à Madibou), Mgr Benoît Gassongo, (évêque émérite du diocèse d’Owando (aujourd’hui archidiocèse/enterré au fond dans l’église Notre-Dame des Victoires de Ouenzé), Mgr Raphaël Ndangué (prélat de Sa Sainteté le Pape Jean-Paul II) et l’abbé Louis Loubassou, (enterrés tous les deux, au cimetière de la cathédrale Sacré-Cœur.)
De 1946 à 1947, l’abbé Théophile Mbemba fut vicaire paroissial à la paroisse Saint Joseph de Linzolo. L’année suivante de 1948 à 1949, il enseignera au Petit séminaire de Mbamou en classe de 5ème. De 1949 à 1956, il sera, vicaire paroissial à Voka avec l’abbé Louis Loubassou. Il sera le directeur de l’école catholique de Voka et exercera très promptement dans tout le secteur de Mbanza-Nganga. Très brillant et efficace dans tout ce qu’il entreprendra, Mgr Michel Bernard n’hésite pas à lui confier la responsabilité de vicaire général. D’abord nommé curé de la paroisse Notre-Dame du Rosaire de Bacongo, il y assumera avec brio, la charge de cette grande paroisse et en même temps, avait la capacité de faire de nombreuses réalisations dans de multiples activités génératrices de revenus et faire progresser des projets de l’Eglise. En 1958, il fut nommé curé-doyen très respecté, admiré de tous ses confrères prêtres.
Le 2 décembre 1961, le Pape Jean XXIII le nomma premier évêque congolais et coadjuteur de Mgr Michel Bernard, avec droit de succession. Il est sacré le 11 février 1962 en la fête de Notre-Dame de Lourdes par Mgr Michel Bernard, archevêque de Brazzaville avec comme co-consécrateurs Mgr Mongo de Douala, au Cameroun et Mgr Zita, évêque de Matadi, au Congo-Kinshasa. La cérémonie avait eu lieu au Stade Félix Eboué de Poto-Poto, devant une foule compacte, très nombreuse et dans une grande joie. Il avait pour devise: «Esto Mater propitia» (Que Marie me soit une Mère propice). Il est le fondateur de deux Congrégations: les Religieuses congolaises du Rosaire et les Frères de Saint Joseph.

Le respect de la vie
Jésus Christ s’est défini par sa naissance avec le mystère de l’Incarnation et par sa mort par le mystère de la Rédemption. D’un mystère à un autre, il nous donne la vie quoi qu’il arrive, car Jésus est la Vie. Nous savons que la vie dans le Seigneur, est en abondance. L’évangile nous l’affirme et la personnalité du Christ parmi nous, ne témoigne de rien d’autre que de la vie: «Je suis le Pain de vie» ou «Je suis le Chemin, la Vérité et la Vie» ou encore «Celui qui croit en moi, aura la Vie éternelle».
C’est dans cette perspective que Mgr Théophile Mbemba en novembre 1969 écrivait sa lettre pastorale sur l’avortement, «le Nkassa» et contre le phénomène de la sorcellerie pour signifier combien la vie étant très précieuse, méritait d’être sauvée, protégée, préservée et respectée. Nous lisons une partie de la lettre du Pasteur sur «le Nkassa»: «C’est un arbre dont l’écorce triturée sert à fabriquer une potion empoissonnée. Nos pères s’en servaient comme poison d’épreuve pour dépister les jeteurs de mauvais sort (Les Ndokis). Le Nkassa a fait du mal à notre société. Que de gens y ont succombé! Plus particulièrement les vieillards dont la constitution déjà affaiblie par le poids de l’âge et minée par les maladies ne pouvait résister à la forte dose du Nkassa dont on les ingurgitait». En effet, nul n’a le droit de détruire une vie quelle qu’elle soit. La vie est sacrée; «Tu ne tueras pas» reste l’un des plus grands commandements de Dieu. Personne n’a le droit d’ôter la vie d’un autre. Ce grand crime est toujours condamnable à tous les niveaux soit sur le plan humain, que sur le plan spirituel. L’Eglise nous invite constamment à sauvegarder la vie humaine et à prier pour que de tels agissements puissent s’estomper dans notre société.

La défense des veuves et des orphelins
En tant que chrétiens catholiques, nous prenons le Pain de vie, corps et sang du Christ dans l’Eglise vivante et stimulante où Mgr Théophile Mbemba avait vécu, travaillé et s’était donné corps et âme pour suivre les pas de son Maître. Nous n’oublions pas que chacun de nous a une histoire personnelle, mise en lumière, exposée parfois, avilie, ou détruite, rayonnante ou explosive; discrète et souriante; mais c’est toujours une vie. La joie qui entoure cette vie, le bonheur qui l’envahit parfois, les larmes qui y coulent ou les blessures qui s’y dessinent à l’horizon, malgré toutes les peines, le silence intérieur, tout cela a demeuré dans la prière et l’abnégation de la vie épiscopale de notre Pasteur bien aimé.
C’est à travers toutes ces souffrances des veuves et des orphelins qu’il avait ressenties avec acuité, et une vive compassion, que Mgr Théophile Mbemba exhortait le Peuple de Dieu pour ce grand combat. Il avait constamment lutté pour la dignité de la femme maltraitée avec ses enfants, dans un environnement néfaste et avilissant créé par les familles du défunt en vue de la rendre plus malheureuse que jamais.
Pasteur dynamique et déterminé, Mgr Mbemba a dénoncé toutes ces injustices et les servitudes infligées aux unes et aux autres, aux veuves blessées qui faisaient partie de la famille de Dieu. Avec insistance, il avait réussi un tant soit peu, à changer certaines coutumes et mœurs, qui suscitaient désolation, déchirement de plusieurs d’entre elles, désavouées par les leurs ou les familles de l’époux décédé.
La recommandation de Mgr Théophile Mbemba nous interpelle vivement encore aujourd’hui: «C’est à chacun de nous maintenant, de travailler à l’amélioration des conditions de la veuve, en nous laissant mener par la loi de la charité et en respectant les droits de chaque personne. Puisse le Seigneur, nous libérer des habitudes païennes à l’égard de la veuve et nous donner un cœur et un esprit nouveaux, cet esprit de ressuscités qui nous donnera la force et mener à bien, cette lourde tâche de rénovation». (Mgr Théophile Mbemba 27 février 1971).

La responsabilité dans le développement
A travers toutes ces vicissitudes, l’Eglise doit rester vigilante et toujours en marche dans la soif du pardon, le goût des béatitudes pour que les liens à tisser sur cette terre des hommes, se manifeste dans les liens spirituels qui seraient établis au ciel. Ce réseau surnaturel, Mgr Théophile Mbemba l’avait créé entre autres dans l’une de ses lettres pastorales sur le développement. Bien que d’actualité encore, nous revivons sur le développement, ce qu’il avait déjà pressenti. Il avait tout compris, il avait donné des conseils et mis des balises sur la réalisation de certains projets à cet effet. Du côté de la pauvreté, nous continuons de voir des situations d’exploitation dont les victimes peuvent pour le moins dénoncer les injustices.
Nous sommes en contact avec des chômeurs, là où le pays n’a plus d’usines, ni d’entreprises. Le développement reste lointain pour la plupart des diplômés sans emploi, des retraités ne peuvent plus percevoir régulièrement leurs pensions. Nous constatons la régression dans le développement social; et, notre devise nous stimule davantage dans la prière afin que nous puissions maintenir avec la grâce de Dieu, cette réalité que nous souhaitons tous: «Unité, travail, progrès».
Oui, le développement dont nous parle ici l’illustre disparu, de vénérée mémoire, se trouve ainsi freiné de plus en plus à cause de la peur du lendemain des victimes et la misère qui augmente de plusieurs crans en continuant d’affaiblir les bonnes volontés. Les forces d’action manquent, le courage est désemparé, la dignité est bafouée, pourtant il faut vivre et survivre. C’est pourquoi, Mgr Théophile Mbemba reste de surcroît, un visionnaire avisé, inspiré par l’Esprit divin, qui lui avait fait comprendre la sociologie de son peuple, auquel il avait déjà perçu la triste réalité, qui continue de faire souffrir certains de nos compatriotes dans leur vie au quotidien. Dans le dessein de Dieu, nous sommes tous appelés à nous développer selon nos vocations respectives. Chacun de nous a une intelligence, une liberté de croissance, une responsabilité qui l’engage à se prendre en charge et avoir un rapport fructueux vis-à-vis des autres qui l’entourent. Tout notre fonctionnement d’être humain se greffe aux autres, de la naissance à la mort. C’est pourquoi Mgr Théophile Mbemba nous le rappelle en substance dans sa lettre pastorale de 1970: «Sachez-le, mes frères, le développement est une œuvre où chacun apporte sa pierre de taille et qui exige que nous soyons très nombreux. Le développement aide l’homme à s’acquitter honorablement de cette mission… pour œuvrer à l’édification de notre pays, au bonheur et à la prospérité de tous… que le Dieu Tout-Puissant qui a institué le travail pour que les hommes puissent progresser en s’entraidant, donner dans notre labeur, un esprit fraternel…». C’était une prière que formulait Mgr Théophile Mbemba à tous les Congolais et c’est un cri d’appel au secours qu’il nous lance de nouveau aujourd’hui, pour le bien-être de notre peuple.

Sur les vocations sacerdotales
Evangéliser pour Mgr Théophile Mbemba, était sa vie en actes et en vérité, proclamant la Parole de Dieu, vivant les exigences des Béatitudes dans son intégralité afin d’être toujours et partout, sel de la terre et lumière du monde. En 1968, il parlait aux prêtres et aux séminaristes en souhaitant qu’ils soient: «des pasteurs en odeur de sainteté, des lumières qui ne se cachent pas sous les boisseaux, mais qui devraient éclairer obligatoirement le Peuple de Dieu, dans un environnement de la vraie foi catholique, de l’espérance et de la charité selon le cœur de Dieu.» En lisant l’exhortation du Pape François à la communauté de Saint Louis des Français à Rome le lundi 7 juin 2021, nous constatons la similitude de ces deux discours lorsque le Saint Père insiste sur la vocation sacerdotale en stipulant: «Le prêtre est un homme qui, à la lumière de l’évangile, distille le goût de Dieu autour de lui et donne l’espérance aux cœurs troublés; il doit être ainsi… Soyez des pasteurs avec «l’odeur de leurs brebis», des personnes capables de vivre, de rire et de pleurer avec votre peuple, en bref de communier avec lui… Dépouillez-vous de vous-mêmes… de vos rêves de grandeur, de votre auto-affirmation pour mettre Dieu et les personnes au centre de vos préoccupations quotidiennes. Pour mettre le saint peuple de fidèles de Dieu au centre, il faut être Pasteur».

Sa mission accomplie
A la fin de sa vie, malade et fatigué, Mgr Théophile Mbemba ne pouvait plus lire son bréviaire à cause de sa cécité prononcée. Il remplacera la récitation de celui-ci (Bréviaire) par celle du Rosaire. Il se donnait corps et âme à l’adoration du Saint Sacrement qui lui donnait beaucoup d’énergie et la force d’aimer. La Mère du Sauveur, toujours au rendez-vous et présente dans son parcours épiscopal, lui restera d’un grand secours à toutes les étapes de sa souffrance. Il avait toujours voulu voir fleurir des vocations sacerdotales et religieuses, capables de contribuer à la croissance de l’Eglise, au développement moral, spirituel de celle-ci et à l’annonce de l’évangile partout, dans tous les territoires congolais. Evangéliser, voilà son mot d’ordre pour annoncer le salut de Dieu aux hommes et préserver la dignité de tout son peuple, sans distinction aucune: de race, d’ethnie, de tribu, de genre, ou de foi. Mgr Théophile Mbemba toujours lucide, toujours surnaturel, toujours fructueux en sagesse, intelligence et connaissance de Dieu, ne cessait d’encourager les bonnes volontés dans l’Eglise, afin d’aller de l’avant. Il exhortera jusqu’au bout en ces termes: «Ainsi, en présence des situations nouvelles que connaissent notre pays…l’homme créé à l’image de Dieu et à qui il a été intimé l’ordre de dominer les éléments de la nature, doit accomplir dans l’Eglise sa mission de bienfaisance. L’Eglise, attentive aux aspirations légitimes des hommes et des femmes de tous les temps, se doit d’être le levain au sein de notre société nouvelle pour construire la solidarité, le respect et l’unité». Nous rendons grâce à Dieu pour ce grand semeur de la foi chrétienne sans faille, ce bon et vrai bâtisseur de notre Eglise et un réel modèle de charité vécue et propulsée dans ses œuvres religieuses et apostoliques. Qu’à travers son bel exemple vécu en bien et en vrai, que la volonté de Dieu se fasse en nous, par l’intercession de Notre-Dame du Rosaire et l’aide de Saint Joseph, afin que nous soyons toujours bénis. Oui, Très cher Père, 50 ans déjà depuis votre rappel à Dieu! Que la lumière sans déclin du Christ brille à jamais sur vous! Bon anniversaire!

Sr/ Dr Marie Brigitte YENGO
Religieuse Congolaise
du Rosaire