Il n’y a désormais pas grand-chose que nous puissions attribuer aux autres pour justifier nos incompétences du moment. Le colonialisme s’est retiré – en principe. Il y a quelques décennies encore, clouer «l’impérialisme» au pilori sonnait bien, sinon juste. La «bourgeoisie comprador» était une réalité dans nos discours ; elle mobilisait les foules de militants contre elle. Toutes ces terminologies étaient pompeuses, porteuses de menaces virtuelles ou réelles.
Dans ce pays, des personnes sont allées à la mort en leur nom. Des idéaux ont été brisés parce qu’on arguait que l’avenir serait meilleur. Or, tout brutalement, on s’aperçoit que le demain dont on nous faisait rêver, c’est tout simplement aujourd’hui ! Et d’ailleurs, le renversement des valeurs gagne toutes les choses : on ne parle plus de démocratie à atteindre, mais de terres rares à arracher, au besoin.
Mais il y a plus grave pour le cas du Congo où l’émergence est dépassée. C’est à peine si on réalise que tous les hiboux qu’on agonissait d’injures hier ont changé de position ou de peau. Les bourgeois compradores d’hier se sont mus, sont devenus les voisins de palissage. C’est eux, c’est-à-dire nous aujourd’hui, qui dirigeons, décidons, orientons. Que l’impérialiste ne vient pas forcément de l’au-delà des mers, mais de l’autre côté du muret; du même village. C’est nous qui commandons, à qui irions-nous imputer la responsabilité de nos échecs ?
Même dans l’hypothèse toujours plausible où le colonialisme et l’impérialisme ne seraient vraiment jamais partis, le visage qu’ils reflètent dans ses appartements est bien celui du Congolais du 21ème siècle ! Faut-il parler de masques incompétents et feindre l’ignorance des frères? La revue du FMI n’a pas réussi, mais le pétrole coule toujours à flot, non? Qui incriminer?

Albert S. MIANZOUKOUTA