Le traumatisme crânien désigne un dommage subi au niveau du cerveau ou des enveloppes, à savoir les méninges et le squelette de la tête, suite à une agression physique le plus souvent accidentelle. Dans le monde, il s’agit de la première cause de décès et de paralysie durable chez le sujet jeune (moins de 40 ans).

Chaque jour, sur nos routes, des vies basculent en quelques secondes. Les traumatismes crâniens constituent aujourd’hui l’une des principales causes de mortalité et de handicap dans le monde, en particulier dans les pays à revenu faible ou intermédiaire. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), près de la moitié des décès liés aux accidents de la circulation concernent les usagers vulnérables – piétons, cyclistes et motocyclistes. En Afrique, cette proportion atteint parfois 70 %.
Chez le motocycliste, le port du casque constitue un facteur déterminant de survie. En effet, le risque de mourir est multiplié par trois en l’absence de casque. À l’inverse, son port réduit de 60 à 70 % le risque de traumatisme crânien mortel, il réduit de 40 % celui de coma suite au traumatisme et de 30 % les blessures faciales, en absorbant jusqu’à 85 % de l’énergie du choc. Les études réalisées à l’échelle internationale montrent aussi une diminution de moitié des coûts médicaux et une réduction moyenne de 5 à 7 jours d’hospitalisation chez les porteurs de casque.
Dans nos villes, la moto est devenue un outil de survie économique, mais aussi une source croissante de drames humains. Entre 2014 et 2024, des études scientifiques, notamment plus de vingt-cinq articles scientifiques publiés et sept thèses de recherche en médecine menées à Brazzaville ont montré que les motocyclistes représentent la majorité des victimes d’accidents graves, et que les traumatismes crâniens sont la première cause de décès ou de séquelles lourdes parmi eux. Ils sont jeunes (âge médian 29 ans) presque tous des hommes (99,9%), souvent taxi-motos (63,5%), et pour la plupart sans permis de conduire (91%). Ce sont donc des acteurs essentiels de la mobilité urbaine, mais aussi les plus exposés et les moins protégés.

Une prévention encore fragile

L’étude que nous avons dirigée, dans le cadre d’une thèse de recherche dans la capitale est sans ambiguïté: 78 % des motocyclistes ont un mauvais niveau de connaissance des règles de sécurité, 88 % adoptent des attitudes inadaptées, et 70 % ont des pratiques dangereuses au quotidien.
Un total de 688 motocyclistes a été approché entre juin et juillet 2024. Presque tous les motocyclistes avec lesquels nous nous sommes entretenus reconnaissent que le port du casque protège la vie. Mais entre savoir et faire, le fossé est immense. Les conducteurs non scolarisés sont les plus susceptibles d’ignorer la consigne, tandis que l’âge, la profession ou la situation sociale n’influencent pas significativement les comportements. Le problème n’est donc pas seulement économique ou individuel: il est systémique. Il renvoie à la formation, à la régulation, et au degré d’engagement collectif dans la prévention.

Aux décideurs politiques: transformer la prévention en politique d’État

Lutter contre les traumatismes crâniens liés à la moto, c’est préserver le capital humain national. Nous gagnerions à placer la sécurité routière au même rang que les grandes priorités sanitaires. Il s’agit de: renforcer la répression sur le non-port du casque, la vitesse, l’alcool et l’usage du téléphone; doter la police d’éthylotests et d’équipements de contrôle modernes; installer des radars dans les zones accidentogènes; subventionner les casques homologués pour en garantir l’accessibilité; investir dans la communication: affiches, radios communautaires, interventions scolaires, messages en langues locales.
Prévenir, ce n’est pas punir : c’est anticiper la perte, éviter le drame, protéger la jeunesse.

Aux autorités de régulation: appliquer la loi et mesurer l’impact

Les règlements ne valent que s’ils vivent sur le terrain. Les perspectives sont de nature à:
établir un registre national des motocyclistes, par département, pour suivre la professionnalisation du secteur; rendre obligatoire la formation dans des moto-écoles agréées avant la délivrance des permis y relatifs; contrôler la qualité des casques vendus sur le marché, selon des normes d’homologation reconnues; évaluer périodiquement l’efficacité des politiques de sécurité routière.
La régulation n’est pas un frein, c’est un garde-fou. Elle protège les citoyens contre le chaos, et donne du sens à la loi.
Aux populations: le réflexe du casque doit devenir une culture
Le casque n’est pas un symbole de peur, c’est un outil de dignité. Un motocycliste casqué, c’est un père, un fils, un travailleur qui choisit la vie. Le port du casque intégral bien attaché doit devenir systématique, pour le conducteur comme pour le passager. Chacun doit aussi se former à la conduite, respecter les limitations de vitesse, et refuser l’alcool ou les drogues avant de prendre le guidon. Les familles, les écoles, les églises, les associations, tous devraient porter le message. La sécurité n’est pas une affaire de règlements : c’est une culture à construire, une responsabilité à transmettre.

En conclusion: protéger les têtes, c’est protéger la nation

Les traumatismes crâniens liés aux accidents de moto sont une tragédie silencieuse mais évitable. Toutes les recherches menées à Brazzaville nous montrent la voie: renforcer les connaissances, corriger les attitudes, améliorer les pratiques. Cela suppose une action concertée entre l’État, les régulateurs, les chercheurs et les citoyens. Car derrière chaque casque non porté, il y a une vie en suspens, un avenir brisé, une économie fragilisée.
Le Congo a besoin de sa jeunesse debout, pas de ses promesses allongées sur les lits d’hôpital. Protégeons les têtes. Protégeons la vie.

Professeur Hugues Brieux EKOUELE MBAKI,
neurochirurgien, Chef de Service de Chirurgie Polyvalente – CHU de Brazzaville, Vice-Président du Conseil Scientifique de la Société Congolaise de Neurochirurgie (RC, RDC), Vice-Président de l’Association Continentale des Sociétés Africaines de Neurochirurgie, en charge de l’Afrique Centrale.

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