Le mois de mars 1977 restera dans la mémoire des Congolais, une des périodes les plus sombres de son histoire. Le chef de l’Etat en exercice, Marien Ngouabi, est assassiné en son palais. Dans cette tourmente, un ecclésiastique, le Cardinal Emile Biayenda, et un ancien Président de la République, Alphonse Massamba-Débat, sont « enlevés et tués par vendetta », mais seul le prédécesseur de Ngouabi à la tête du pays, parmi les ‘’Trois martyrs de l’intolérance’’, n’a toujours pas de sépulture quarante-cinq ans après.

Le 19 mars 1977, aux premières heures du matin, les Congolais apprennent officiellement l’assassinat, la veille dans des circonstances ténébreuses, du commandant Marien Ngouabi. Le Comité militaire du parti (CMP), qui a pris le pouvoir et annoncé la triste nouvelle, prépare l’opinion publique nationale à l’exécution d’un complot «impérialiste». «L’impérialisme aux abois, dans un dernier sursaut, vient par l’entremise d’un commando-suicide, d’attenter à la vie du dynamique chef de la révolution congolaise, le camarade Marien Ngouabi, qui a trouvé la mort au combat, l’arme à la main, le vendredi 18 mars 1977 à 14h30», pointe la junte dans un communiqué lu par le ministre de la Défense nationale.
Des Congolais, hommes politiques ou simples citoyens, soupçonnés d’en savoir plus sur la mort de Marien Ngouabi ou d’être proches du cercle du complot, sont liquidés sans autre forme de procès. Parmi eux, le cardinal Emile Biayenda, «un innocent aux mains nues», exécuté après avoir été enlevé, conduit, telle une brebis que l’on mène à l’abattoir. Pour la première fois depuis 1925 dans le monde, un cardinal était assassiné. Ses bourreaux auraient établi la relation de cause à effet entre l’assassinat du camarade président et l’audience qu’il lui avait accordée trente minutes avant sa mort. Et le 25 mars, l’ancien Président de la République Alphonse Massamba-Débat était lui aussi passé par les armes « au petit matin » à la suite d’un procès martial. Le commando ayant tué le commandant Marien Ngouabi aurait agi pour son compte.
Le corps du Bon cardinal sera retrouvé sur la route d’Itatolo. La messe de ses funérailles se déroule le dimanche 27 mars et il reposera dans l’église de sa cathédrale du Sacré cœur.
Les obsèques de Marien Ngouabi ont lieu le 2 avril au palais du Peuple, mais c’est à l’Etat-major général de l’ex-APN (Armée populaire nationale), baptisé plus tard ‘’Mausolée Marien Ngouabi’’, qu’il est inhumé. Depuis, les camarades membres du PCT s’y recueillent chaque 18 mars.
Le corps d’Alphonse Massamba-Débat ne sera jamais restitué à sa famille. Quarante-cinq ans après, un nuage opaque continue à entourer le lieu de sa sépulture. Même la Conférence nationale souveraine de février-juin 1991 n’arrivera pas à mettre en lumière cette disparition qui dérange les consciences. «Aujourd’hui, des complices survivants s’efforcent encore de dissimuler leur responsabilité ; les seconds rôles et les interventions des subalternes sont mieux connus que la participation effective des autorités et des personnalités responsables. Car la mort de Massamba-Débat reste embarrassante.», souffle un acteur politique. Jusqu’à présent, «la peine des parents d’Alphonse Massamba-Débat est immense et leur douleur inexprimable», en dépit des apparences. «Et tant que le disparu n’aura pas une sépulture où ses amis et proches lui rendront hommage, il y aura toujours comme un malaise dans l’opinion, dans la nation », estime un analyste.

Jean ZENGABIO