Les évangiles nous proposent parfois des personnages païens, des exclus du peuple de Dieu, qui deviennent pourtant des véritables témoins de la foi. Nous pouvons penser à la foi du centurion, au bon Samaritain, au centurion qui, au pied de la croix, reconnaît le Fils de Dieu.
Cette constatation ne doit pas nous étonner, ni aurait dû étonner les disciples contemporains de Jésus. En effet les Ecritures avaient déjà attesté: «Les étrangers qui se sont attachés au Seigneur pour l’honorer, pour aimer son nom, pour devenir ses serviteurs, tous ceux qui observent le sabbat sans le profaner et tiennent ferme à mon alliance, je les conduirai à ma montagne sainte, je les comblerai de joie dans ma maison de prière, leurs holocaustes et leurs sacrifices seront agréés sur mon autel, car ma maison s’appellera ‘Maison de prière pour tous les peuples’» (Is. 56,1.6-7-1ère lecture). Toutefois, l’idée de l’ouverture universelle du peuple de Dieu et la conscience que tous le peuples sont appelés à la foi étaient encore inconsistants dans la mentalité des disciples et des gens d’Israël.
Encore, les évangiles nous montrent souvent le grand apport du témoignage des femmes en faveur de Jésus. Très souvent ce sont des femmes qui sont les protagonistes des situations où Jésus fait avancer, d’une façon totalement inattendue, la révélation de la vérité et de la miséricorde de Dieu. Nous pouvons penser ici à Marthe et Marie, à la pécheresse, à la femme hémorragique, à la Samaritaine, à Marie de Magdala.
Il faut se rappeler aussi d’autres catégories de personnes «exclues», tels que les pécheurs, les lépreux, les aveugles et les autres malades, les pauvres, les veuves.
Souvent c’est Jésus lui-même qui met en lumière la grande foi d’une personne «exclue» et la propose à ses disciples en guise d’exemple: «Je vous le déclare, même en Israël, je n’ai pas trouvé une telle foi!» (Lc 7,9).
C’est le cas qui se présente aussi dans l’évangile de ce dimanche, se concluant avec l’exclamation: «Femme, grande est ta foi, que tout se passe pour toi comme tu le veux!» L’admiration de Jésus est adressée à un personnage qui rassemble en soi-même plusieurs facteurs «excluants»: il s’agit d’une femme, étrangère, païenne, impuissante.
La force extraordinaire de la foi de cette femme est bien sûr dans son insistance, mais surtout dans sa logique parfaitement cohérente, presque contraignante. Il peut arriver facilement que la foi des personnes plus «accoutumées» à se sentir partie du peuple de Dieu devienne plutôt «statique», formelle, incapable d’un véritable discernement sur la vérité et sur l’amour. La foi de cette femme cananéenne, par contre, est capable de lui faire dépasser les difficultés, de ne pas se rendre à l’indifférence apparente de Jésus, de proposer au Seigneur une logique de réalisme et de justice que Lui-même ne pourrait jamais repousser: quand elle demande au Seigneur la grâce pour sa fille, il lui répond: «Il n’est pas bien de prendre le pain des enfants et de le jeter aux petits chiens». Et elle dit: «Oui, Seigneur; mais justement, les petits chiens mangent les miettes qui tombent de la table de leurs maîtres».
Cette femme étrangère est arrivée là où la foi des disciples plus «accoutumés» à la Parole de Jésus n’étaient pas parvenus. Dans son amour maternel et dans sa confiance en Jésus, elle a compris que la foi n’éteint pas la pensée, mais plutôt elle appelle la logique humaine à avancer, faire ses efforts, proposer des solutions conformes à la justice, à la vérité et à l’amour. La femme montre à Jésus – et à ses disciples – la raison par laquelle il peut l’écouter: elle ne lui demande pas de briser la justice ou de contredire les règles de sa mission. Elle ne demande qu’une miette. Et une miette peut être concédée, sans que le pain des enfants soit gaspillé.
Nous sommes appelés aujourd’hui à nous confronter avec la foi de cette femme: une foi capable de raisonner dans l’amour, une foi persévérante, une foi qui ne se rend pas devant les difficultés. Et nous sommes appelés aussi bien à reconnaître le bien qui existe partout dans le monde, même parmi ceux qu’on considère les plus éloignés de la foi ou même les exclus.
P. Francesco BRANCACCIO