Le premier président de la Zambie, Kenneth Kaunda, père de l’indépendance de l’ancien protectorat britannique qu’il dirigea pendant 27 ans, est mort, jeudi 17 juin 2021, à l’âge de 97 ans, des suites d’une maladie de la pneumonie dans un hôpital militaire de la capitale Lusaka. Un deuil national de 21 jours a été décrété. Kenneth Kaunda était surnommé le «Gandhi africain» pour son militantisme, mais aussi «KK» qui sont les initiales de son nom et prénom. Il avait mené l’ancienne Rhodésie du Nord à l’indépendance sans effusion de sang en 1964. L’actuel président Edgar Lungu a exprimé sa grande tristesse en déclarant: «Vous êtes parti au moment où nous nous y attendons le moins». Il a regretté la disparition d’une véritable «icône africaine».
Issue d’une famille de huit enfants dont il était le dernier, Kenneth Kaunda voit le jour en 1924. Fils d’un pasteur originaire du Malawi, il se tourne d’abord vers l’enseignement. Puis s’engage en politique au sein de la branche Rhodésie du Nord du Congrès national africain (ANC). Ce qui lui vaut quelques mois de prison. A sa sortie, il fonde le Parti unifié pour l’indépendance nationale (UNIP) et devient en 1964, à l’âge de 40 ans, le plus jeune premier ministre du Commonwealth. Lors de la proclamation de la République de Zambie, le 24 octobre 1964, il en devient le premier président. Mais très vite, et dès les premières années d’indépendance, le leader populaire se transforme en autocrate. Il interdit tous les partis d’opposition. Seul l’UNIP est autorisé au motif d’éviter l’éclatement du pays.
Réélu tous les cinq ans, il reste 27 ans au pouvoir et sa popularité dans son pays s’étiole. Très engagé dans la dénonciation de l’apartheid en Afrique du Sud, il reçoit Nelson Mandela après sa libération, mais ne parvient pas à enrayer la détérioration du quotidien des Zambiens. Des émeutes de la faim et une contestation grandissante le poussent à accepter le multipartisme. En 1991, il est battu lors des élections libres et obligé de céder la place à Frederick Chiluba.
Dans les années 2000, Kenneth Kaunda se retire de la vie politique du fait des tensions avec son successeur, se concentrant alors sur des missions de médiations sur le continent et la lutte contre le sida, maladie à laquelle avait succombé l’un de ses fils. Comme d’autres, Kenneth Kaunda a vu en cette pandémie une menace pour le continent.
Le président Kenneth Kaunda jouissait d’un grand prestige à l’étranger, notamment en Occident pour avoir accepté le multipartisme et le résultat des élections. Mais également en Afrique pour avoir soutenu les mouvements de libération en Angola, au Mozambique, au Zimbabwe et en Namibie.
La Zambie de Kenneth Kaunda servait de refuge. D’abord pour l’ANC, banni du paysage politique sud-africain jusqu’en 1990. Le siège du parti de Mandela avait été déplacé à Lusaka, la capitale zambienne. Oliver Tambo, président du parti y a vécu vingt-deux ans en exil dans une maison fournie par la présidence zambienne. D’autres mouvements de libération et leurs branches armées avaient fait de la Zambie leur base arrière, avec des hommes et des armes venues du Zimbabwe, du Mozambique, d’Angola ou de Namibie. Mais Kenneth Kaunda laisse un héritage mitigé, car il est impossible de parler de lui sans le replacer dans l’histoire, d’après certains observateurs.

Alain-Patrick
MASSAMBA