Nous nous apprêtons à publier, la semaine prochaine, un dossier sur les prix en hausse effrénée au Congo. Nous sommes à la croisée de mondes avec le risque d’une instabilité permanente. La guerre entre la Russie et l’Ukraine est porteuse d’un chambardement mondial potentiel dont personne ne peut prédire les contours. Au-delà même des liens historiques qui lient le Congo à ces deux pays ex-soviétiques, un autre lien fort, économique, les attache.
Ce qui subsiste au Congo de l’attachement idéologique d’hier s’est mué en une sympathie plus ou moins éthérée, qui jette une manière d’embarras sur les choix clairs à opérer. Le Congo n’a pas soutenu clairement l’invasion de l’Ukraine par la Russie, mais il ne l’a condamnée que du bout des lèvres. De sorte que, pour l’Histoire, il ne sera pas rangé dans le camp des pourfendeurs impénitents ou des indécrottables attachés aux amis d’enfance.
Mais la réalité du panier de la ménagère tend à nous rattraper. Le Gouvernement a réagi et mis en place une cellule de veille pour chercher à maîtriser les prix des denrées de première nécessité. Emblématique, le prix du bidon d’huile de 25 litres a troué le plafond, passant du simple au double. Or, l’huile au Congo, c’est le beignet, le premier plat du petit déjeuner de la famille typique.
Depuis des semaines, le ministre d’Etat, Claude Alphonse N’Silou, a eu fort à faire pour ramener ces prix en dérapages constants dans les clous. En charge du commerce, des approvisionnements et de la consommation, il n’a eu de cesse de ramener à la raison les commerçants qui avaient tendance à aller à la dérive pour la bière ou pour le pain, encadrant par des décrets et des menaces toutes les tendances à l’exagération.
Tout cela dénote une prise de conscience sur le fait que la montée inflationniste pourrait déboucher sur le chaos. Cela s’est déjà vu au Soudan… Mais cette prise de conscience se fait aussi dans le monde où la solidarité est le maître-mot, mais où la logique est à se prémunir contre les dépendances énergétiques d’abord. Au point que les regards sont plus sollicités par cette guerre en Ukraine et moins, nous rappellera l’ambassadeur de France la semaine prochaine dans nos pages, par les autres situations de crise. Par exemple, la faim qui menace en Afrique, et qui mérite autant d’attention que d’agir décisif.
Nous ne savons pas de quoi le monde sera fait demain. Ni si la reformulation de ce monde à venir saura faire face aux menaces globales qui nous guettent: le climat, la pandémie du coronavirus (qui n’a pas disparu, loin de là), les iniquités criardes… Le choix du monde se décidera-t-il en fonction des opinions des pro et des anti-russes seulement? La flambée des prix au Congo ne se freinera pas par le simple choix d’un camp au détriment d’un autre. C’est le monde entier qui est aujourd’hui interpellé.

Albert S. MIANZOUKOUTA