La grève dont les syndicats du CHU nous menaçaient n’a pas eu lieu lundi. Je ne pense pas qu’il y ait un seul Congolais sensé qui regrette qu’elle n’ait pas été organisée. C’est au contraire dans l’appréhension qu’une chose aussi monstrueuse se tienne que nous restions tous suspendus à l’évolution des négociations entre la direction canadienne du CHU et l’Intersyndicale. Certes, une grève en milieu hospitalier n’est pas une chose inédite. Il nous est même arrivé de subir des grèves à la morgue municipale. Donc, de ce point de vue, ce n’est pas l’étonnement mais l’indignation qui nous aurait saisie si la grève avait été conduite comme programmé. J’en parle au passé et au conditionnel, mais les négociations se poursuivant au moment où ces lignes sont écrites, nous ne sommes pas à l’abri des surprises.
Ce qui nous permet de dire que le plus grand hôpital du pays, souffrant de tant de médisances et de dépréciations, ne doit pas ajouter à ce fardeau. Entre ceux pour qui cet établissement est un mouroir, et ceux pour qui il serait le centre de tous les trafics, ce n’est pas une grève qui aurait ajouté de la confiance à nos inquiétudes. L’intersyndicale veut défendre un de ses cadres «abusivement licencié», c’est son droit.
Mais tout se passe comme si nous autres, Congolais lambda condamnés à aller jouer à la roulette russe dans cet établissement décrié, ne comptions pour rien dans tout cela. Ni valse des directeurs, ni audits, ni dénonciations des prévarications ou des légèretés ne semblent s’assurer de notre existence. Nous ne sommes pas pris en compte, même quand on nous assure que c’est pour mieux nous soigner qu’on insulte les nouveaux directeurs et qu’on réclame une «congolisation» des postes de responsabilité.
Nous sommes spectateurs d’une situation qui ne nous laisse aucune prise à l’influence et au changement. Nous sommes pris en tenailles entre deux parties qui toutes disent qu’elles agissent pour nous. Sauf que chaque jour, le chariot des morts ne semble pas ralentir. Et ce n’est pas, pas toujours, pour cause de COVID-19!

Albert S. MIANZOUKOUTA