Avec une chute d’activités aggravée par les effets de la pandémie du coronavirus, le Congo est confronté à une crise économique d’une ampleur nouvelle. L’une des pistes de relance prometteuse est le contenu local. A condition que tous les acteurs s’y engagent. Véritablement. Explications avec Sylvestre Didier Mavouenzela, le Président de la Chambre de commerce, d’industrie, d’agriculture et des métiers de Pointe-Noire.

L’émergence de la pandémie du coronavirus et sa diffusion fulgurante à travers le monde ont déstructuré les économies prises dans l’engrenage des arrêts d’activités.
A la crise sanitaire s’est ajoutée une crise économique aux effets inédits sur l’emploi.
Partout, la nécessité des plans de relance s’est imposée.
En République du Congo, parmi les leviers à actionner, un paraît offrir une confortable marge de manœuvre: la mise en application du contenu local tel que recommandé par le code des hydrocarbures dans le secteur pétrolier.
Le contenu local se définit comme le fait pour une entreprise multinationale d’intégrer dans ses processus de production des entreprises et de la main d’œuvre locales.
Dans le cas du secteur pétrolier, il s’agit, pour les opérateurs pétroliers opérant au Congo, d’utiliser des entreprises et de la main d’œuvre locale pour développer des nouveaux champs et produire le pétrole.
Dans notre pays, le contenu local est régi par le code des hydrocarbures qui fixe pour tous les projets en phase de développement et d’exploitation le pourcentage du contenu local applicable au cas par cas avec un taux plancher de 25%.
Notre pays produit 300.000 barils de pétrole par jour. Les données en notre possession nous indiquent que produire du pétrole au Congo coûte en moyenne 10 dollars.
Ramené à la production journalière, nous pouvons affirmer que les opérateurs pétroliers dépensent trois millions (3.000.000) de dollars par jour pour produire du pétrole, soit un milliard huit cent cinquante millions (1.850.000.000) de Francs CFA, en prenant un cours moyen du dollar de six cent (600) F. CFA. Ainsi pour une année civile, les dépenses pour la production pétrolière congolaise s’élèvent à six cent cinquante-sept (657) milliards de F. CFA.
En appliquant les dispositions du contenu local sur cette somme, cent soixante-quatre milliards deux cent cinquante millions cinq cent mille (164.250.500.000) F. CFA devraient être dépensés localement.
Selon les données à notre disposition, le contenu local concerne à peu près 6% des prestations actuellement, soit neuf milliards huit cent cinquante-cinq millions (9.855.000.000) de F. CFA.
Légalement, il y’a un gap de cent cinquante-quatre milliards trois cent quatre-vingt-quinze millions (154.395.000.000) de F. CFA de prestations à réaliser localement, représentant quatorze virgule vingt-cinq pour cent (14,25%) du budget 2020 révisé.
Nous voyons qu’en appliquant nos textes sur le contenu local, nous pouvons injecter en une année cette somme dans le circuit économique constituant de ce fait une option de relance pour notre économie.
Ce choix permettra une politique de ruissellement qui va impacter les personnes les plus modestes se trouvant dans tous les maillons de la chaîne de valeur pétrole de notre pays.
Cette politique de contenu local aura aussi un effet bénéfique sur notre balance de paiement. En effet, les prestations non réalisées localement le sont par les acteurs étrangers pour lesquelles les paiements se font à l’extérieur. Avec l’application du contenu local, nous pouvons réaliser une économie de deux cent cinquante-sept millions trois cent vingt-cinq mille (257.325.000) dollars de devise.
Cette règle du contenu local doit être appliquée à tous les secteurs de l’activité économique. Pour cela, elle doit être insérée dans le code des marchés publics et dans ceux qui régissent toute activité économique de notre pays.
Ces nouvelles dispositions permettront de renforcer la relance économique, seul moyen d’atténuer les suppressions d’emplois qui menacent les liens sociaux dans notre pays.

Mobilisation de tous

L’ambition caressée est, il est vrai, noble. Mais passer de sa formulation à sa concrétisation pourrait se révéler laborieux sans la pleine mobilisation de tous les acteurs concernés par ce défi. Les entreprises locales gagneraient à engager des efforts de mise aux normes pour accroître leur éligibilité aux marchés. Les donneurs d’ordre, eux, devraient davantage développer un état d’esprit favorable à cette évolution.
Quant aux structures d’accompagnement, elles ont intérêt à jouer leur partition classique d’assistance des entreprises lancées dans ce processus. L’Etat, lui, reste dans les clous de sa vocation régalienne, en veillant au respect des dispositions actées.
Personne n’est dupe: il n’est pas sûr de vite passer de 6% à 25 %. Mais le mouvement doit être lancé.

Sylvestre Didier MAVOUENZELA