En d’autres temps, être qualifié de corrompu était une marque d’infamie dans la vie de quelqu’un. C’était une tâche indélébile qui désignait l’auteur d’un détournement de fonds à la honte infinie, et amenait l’Etat à se séparer de lui, l’indélicat. Détourner les biens publics, pensait-on, condamnait celui qui s’en rendait responsable à raser les murs, et à ne plus jamais prétendre reprendre une place de dignité en société.
Nous le pensions ainsi, aux temps où voler n’avait pas d’autres synonymes que celui de prendre par la ruse, la menace, l’intimidation ou la distraction ce qui ne vous appartient pas. L’Eglise est venue conforter la vertu avec la menace de l’enfer et la ferme invitation à ne pas s’écarter du Décalogue: «Tu ne voleras point !» Même le bon sens recommande que l’on ne s’approprie pas le bien d’autrui, ou le bien public.
Aujourd’hui, allez sur les places et proclamez ces prescriptions, on vous rira au nez ! Parce que notre vie en société nous montre de nombreuses personnes accusées de vol et continuant à s’en bien porter. Et menaçant même les accusateurs des pires foudres de la justice. Comme pour dire: «Oui, j’ai volé mais c’était à l’Etat, pas à toi !» Une telle subtilité est imparable pour le commun des Congolais. Bon nombre d’entre eux ne rêvent d’ailleurs que d’en faire autant quand ils en auront l’opportunité…
Or, donc, notre pays se classe au XXX è rang des plus corrompus au monde. Et depuis le temps que l’on nous répète, cela ne semble pas avoir gêné grand monde. Les immeubles qui pourrissent en pied, les éléphants blancs, les comptes siphonnés et les dépenses colossales pour un maigre résultat, tout cela se répète d’année en année.
De temps en temps, quelque lampiste est présenté en public, juste le temps d’enregistrer l’énormité (ou non) des sommes dilapidées, puis il retourne dans son confortable anonymat. C’est-à-dire dans la vie où on ne compte plus les carcasses d’usine, les rouilles des infrastructures projetées pour alimenter des poches joyeuses. A cette allure, la corruption ne sera jamais un mal, à combattre sauf pour ceux qui n’auront pas eu l’opportunité de se servir !

Albert S. MIANZOUKOUTA