Sous le thème «Mémoire d’Afrique», le vendredi 23 juillet 2021, «Miam Restaurant», au Plateau des 15 ans, à Moungali (arrondissement 4 de Brazzaville), a accueilli le concert du jeune congolais Credo Eguenin. De l’avis de nombre de spectateurs, c’était une grande réussite. Quelques jours après son show, cet artiste-musicien, cinéaste et ethnologue s’est prêté à nos questions.

*Vous avez, il y a quelques jours, joué au ‘’Miam restaurant’’. Pouvez-vous nous en dire un mot?
**Effectivement, j’ai joué à cet endroit qui est l’un des plus fréquentés par les artistes. Le concert avait pour thème «Mémoire d’Afrique». C’était un moyen de rendre hommage aux artistes africains qui se sont battus pour la cause des Noirs, comme Miriam Makeba, Salif Kéita, Franklin Boukaka, Jacques Loubelo, Lokwa Kanza, Grand Kallé, Angélique Kidjo. Cette dernière ne cesse d’appeler les chefs d’Etat africains à se libérer de l’oppression coloniale.
*D’où vous vient cette passion pour la musique?
**J’ai été bercé, dès le bas-âge, par les musiques sud-africaines, béninoises, congolaises aussi. J’ai grandi dans une famille de musiciens. Mon père et ma mère étaient choristes. Mon frère aîné, DJ Corbillard, est aussi artiste. Je me suis intéressé beaucoup plus aux styles de chez nous, les styles assez afro, tels que ceux de Franklin Boukaka, Jaques Loubélo, etc.
C’est à Pointe-Noire, ville où j’ai vu le jour en 1994, que j’ai fait mes débuts dans la chorale Koubama. J’y étais le plus jeune et presque unique soliste masculin. Après, j’ai créé d’autres groupes comme Les Missionnaires où j’ai appris à chanter. J’ai chanté aux côtés des artistes chrétiens Mama Crédo et Marcel Mboungou. Il était question, pour moi, d’associer la musique traditionnelle au gospel et autres, pour donner une couleur assez particulière à ma musique que je qualifie d’ethnophonique. C’est Freddy Massamba (ndrl: artiste congolais vivant en France) qui m’a donné le goût de la tradition, à telle enseigne que je suis arrivé à un niveau où, toutes mes compositions sont beaucoup plus en langues maternelles: téké, lari, mbochi, etc. Donc, je me sens plus spirituel, plus en contact avec la musique, plus à l’aise, lorsque je chante les chants de chez nous en Afrique, que ce soit d’Afrique du Sud, du Mali, avec Salif Kéïta. C’est ce qui fait ma particularité.
*Avez-vous déjà un album sur le marché?
**Pas encore. Mais je suis en train de préparer un single, «Mon Afrique», pour rendre hommage aux grands hommes politiques qui ont marqué l’Afrique, à l’image de Thomas Sankara, Lumumba, Marien Ngouabi. Pour dire aux Africains que nous sommes fiers de notre Afrique, malgré certaines réalités; fiers de notre couleur de peau, fiers de nos langues, fier de notre façon de vivre, de notre culture, en général. Le single sera sur le marché le 12 ou le 13 août prochain. C’est une surprise pour la nation, parce que c’est assez rare de voir les artistes plancher sur ce genre de thèmes.
*Cinéaste, c’est aussi ton autre casquette…
**Tout à fait. J’ai commencé le cinéma en 2008 avec le label ‘’Ma génération’’. J’ai suivi une formation de trois ans avec Herman Dinamona, un avocat basé en France. Puis j’ai intégré ‘’Inzo ya bilili’’ de Michael Gando où j’ai fait ‘’Ironie fatale’’. J’ai aussi fait mes preuves aux côtés de Rufin Mbou Mikima avec ‘’Inzo ya bizizi’’, Canal Plus France, Orange de la RDC, avec le film ‘’Contact’’ et pas mal d’autres films encore. J’ai participé aux séries télévisées comme ‘’Mon anniversaire’’ ou des projets avec Lisbeth Mabiala. Tout cela, en tant que comédien, mais aussi styliste, parce qu’il m’est arrivé d’habiller des artistes, une passion que j’ai héritée de ma grand-mère.

*Vous portez une autre casquette, celle d’ethnologue…
*J’ai grandi dans une famille assez déchirée. C’est une histoire triste, mais réelle. Mes parents ne sont pas de la même culture. Du coup, ça nous a, à un certain niveau, influencé. Il y avait des problèmes, des guerres qui se sont succédé dans le foyer, parce que la famille paternelle croyait qu’elle était différente de la famille maternelle. Et donc, on a grandi dans une famille où il n’y avait pas assez d’unité. Ce qui m’a poussé à m’intéresser à l’ethnologie, à me poser des questions du genre: qui sommes-nous réellement? Sommes-nous différents des autres? Voilà pourquoi, dans ma tête, je me dis, l’Afrique, c’est l’Afrique. Peu importe qu’on soit Ouest-africain, Centrafricain, Sud-africain, etc., on partage tous les mêmes valeurs, parce que nous avons tous les mêmes ancêtres. Voilà d’où vient mon intérêt pour l’ethnologie, jusqu’au point où j’ai été obligé de passer une licence dans ce domaine. C’est mon combat. Je me dis que l’on soit Mbochi, Téké, Kongo, on est tous un même peuple, pas question de se diviser.

*Quels sont tes projets dans ce domaine?
**Réaliser des tournées, afin de faire comprendre aux Noirs que nous sommes à l’ère du réveil, celle où le Noir est censé repartir vers l’authenticité qui nécessite qu’on se départisse des cultures des autres. Il nous faut repartir vers nos propres cultures, nos religions, nos langues, notre accoutrement, etc.

Propos recueillis par
Véran Carrhol YANGA