L’évangile de Luc a gardé pour nous un épisode singulier, le seul que nous connaissons par rapport à la vie de Jésus dans sa famille après sa plus tendre enfance. A l’âge de douze ans, pendant le pèlerinage annuel que sa famille fait à Jérusalem pour la fête de Pâques, à l’insu de ses parents Jésus reste dans le temple discuter avec les docteurs de la loi, extasiés pour son intelligence et ses réponses.

Le sentiment de merveille empreignant cet événement, tout focalisé sur la personne de l’enfant Jésus, est amplifié davantage quand l’évangéliste nous fait observer la scène par les yeux de ses parents, qui le retrouvent au troisième jour de leur recherche anxieuse: «Sa mère lui dit: « Mon enfant, pourquoi nous as-tu fait cela? Vois comme ton père et moi, nous avons souffert en te cherchant! » Il leur dit: « Comment se fait-il que vous m’ayez cherché? Ne saviez-vous pas qu’il me faut être chez mon Père? » Mais ils ne comprirent pas ce qu’il leur disait».

En effet, c’est juste le regard de Marie et de Joseph qui nous permet de mieux comprendre la valence de cet épisode. Il permet à ses parents – et, à travers eux, à tous les lecteurs du texte – d’élaborer dans leurs cœurs un processus de croissance dans la compréhension de l’identité et de la mission de Jésus. Bien que Marie, dès le moment de l’annonciation, connaissait par révélation l’identité divine de son enfant, c’est par l’expérience de sa vie avec Jésus qu’elle et Joseph avaient à comprendre davantage son mystère et à s’y conformer pas-à-pas. Ils le savaient bien: l’identité de leur enfant était un don à accueillir, protéger et soigner respectueusement, pas un bien à maîtriser ou façonner selon leur volonté.

Cet épisode de l’évangile appelle tous les parents et toutes les sociétés à regarder leurs enfants, en quelque sorte, avec les mêmes yeux de Marie et de Joseph. Regarder les enfants comme un don divin qui porte en soi un mystère originaire, qui précède les projets de leurs parents et de leurs milieux de vie. Les enfants ne sont pas seulement ce que les adultes veulent qu’ils soient. Toute personne vivante porte en soi une identité et une dignité constitutives, qui ne découlent pas seulement de la somme de tous les apports naturels, culturels et environnementaux qu’elle a reçus. Chaque enfant, chaque personne, n’est pas un individu produit en série, mais un mystère qu’il faut apprendre à accueillir et soigner cas par cas. Aider les enfants à découvrir et vivre leur identité et leurs talents, voici l’un des aspects principaux de la mission des parents.

Tout cela ne signifie pas, bien sûr, que les parents n’aient aucun choix sur les critères de la formation et sur la direction de la vie de leurs enfants. Leur mission les appelle plutôt à s’assumer la responsabilité de témoigner aux enfants les valeurs, les vertus, la sagesse de la vie, selon leur conscience. Les parents chrétiens, en particulier, peuvent comprendre que transmettre leur foi et leur vision de la vie aux enfants n’est pas en effet une constriction, mais un don à offrir, le plus grand désir de bien à leur donner. Oui, les enfants feront leur choix de vie, mais si la foi fait partie de l’identité des parents, elle ne peut pas être cachée aux enfants au nom d’une fausse idée de leur liberté de choix. C’est la transmission de la foi elle-même qui garantit la véritable liberté, car elle met les enfants dans la condition de connaître et de vivre le don du Seigneur, et de se disposer à lui de façon consciente.

Marie et Joseph, devant le mystère qui se manifestait devant la vie de Jésus, ont continué à le découvrir respectueusement et à en prendre soin d’une façon responsable, active. Demandons leur intercession sur tous les parents, afin qu’ils sachent reconnaître toujours, même dans les difficultés et dans les épreuves, la dignité personnelle de leurs enfants et leur offrir une formation riche d’amour, de vérité et de sagesse!

 

P. Francesco BRANCACCIO

(Catanzaro, Italie)