Vue du Congo, la Libye paraît bien lointaine. Et sa situation est inextricable, au point qu’il n’y a pas un seul aspect de l’évolution de ces dernières heures qui donne satisfaction même au plus panafricaniste des Congolais. Ce pays est en guerre contre lui-même. Sa division est actée par l’existence de deux parlements, de deux gouvernements, de deux (ou plus) armées et de deux leaders antagonistes, dont l’un qui est «reconnu» par la Communauté internationale.
Vue d’ici, la Libye est bien un problème diplomatique, bien plus qu’une opportunité de solidarités africaines agissantes. Depuis l’assassinat de Mouammar Kadhafi, les apparences ne nous donnent plus à voir ce volontarisme africain que «le Guide» y incarnait. Au contraire, des centaines d’Africains croupissent dans ses geôles aujourd’hui, nombreux autres y ont été tués ou en ont été expulsés. Ceux qui y survivent sont pris entre le marteau de la ségrégation et l’enclume du rejet européen vers la mer où ils se noient en masse.
Qui plus est : beaucoup d’intervenants étrangers, dont ceux-là même qui avaient ignoré la voix de l’Afrique quand elle prévenait, en 2011, de ne pas donner le coup de pied fatal dans une fourmilière aux déflagrations incontrôlables, jouent aujourd’hui aux pompiers savants. Ils réclament une solution politique là où hier il n’était question que de venger des orgueils piétinés, de renvoyer au loin et pour toujours de trop ostentatoires et arrogantes tentes de bédouins. Les intervenants sur la crise libyenne sont devenus nombreux : pas sûr que le mot paix ait chez tous le même sens.
C’est pourquoi, au milieu de cette cacophonie, où l’hypocrisie a face de générosité, la démarche de la diplomatie congolaise a le mérite d’exister. Entre les grandes puissances, hier antagonistes et aujourd’hui pas davantage alliées de cœur sur le terrain libyen, la diplomatie congolaise s’emploie à dire au monde et à l’Afrique que la Libye est un pays africain de plus qui sombre. Elle organise assez régulièrement à Brazzaville des rencontres, parfois boudées par l’une ou l‘autre des parties, qui représentent la réaffirmation que l’Union Africaine a son mot à dire.
Naturellement, tout cela est pure perte de temps et d’argent pour le compatriote qui a dormi hier sans rien dans le ventre. Ou qui se demande si l’enfant de famille dont on est sans nouvelle n’est pas détenu ou enterré depuis quelque part dans cette Libye à sauver. Que ses interrogations soient légitimes est incontestable. Mais dans une crise comme celle de la Libye, l’éloignement n’est pas une affaire de kilomètres ni de moyens ou d’affinités. Car c’est quand la Libye, véritable case de Birama de nos contes, apparaîtra comme éloignée du Congo que les effets de son déchirement se feront plus proches de nous.

Albert S. MIANZOUKOUTA