Chercheur et ethnologue congolais, fondateur du groupe Ndima, composé des populations autochtones aka du village Kombola (situé au nord d’Impfondo, dans le département de la Likouala), Sorel Eta va ouvrir son compteur bibliographique. En publiant, en septembre 2022, aux éditions Presse universitaire de France (Collection “Nouvelles Terres”), «L’université de la forêt». Un livre de 182 pages dont le préfacier est le Pr Dominique Bourg, grand écologiste franco-suisse connu notamment au niveau de l’Europe, dans lequel l’auteur développe des thèmes permettant de comprendre la vie des Aka tant sur le plan visible que mystique.

Ce livre est d’abord l’histoire d’une rencontre, celle entre l’auteur, Sorel Eta, et les Aka. Sorel Eta est un Bantou, ethnie dominante qui, comme il le raconte lui-même, méprise habituellement les Pygmées Aka, peuple de la forêt du Nord-Est de la République du Congo. C’est donc d’abord l’histoire d’amitiés réciproques enjambant les préjugés, de part et d’autre. C’est aussi celle d’une aventure commune, car Sorel Eta a créé, avec ses amis, un groupe musical se produisant à l’international, Ndima. Les Pygmées sont, en effet, célèbres pour leurs chants polyphoniques, une tradition musicale vocale complexe, basée sur la transmission orale, forme complexe de polyphonie contrapuntique à quatre voix, maîtrisée par l’ensemble des membres de la communauté. C’est enfin la découverte progressive par l’auteur de l’art de vivre en forêt propre aux Aka.
À ses côtés, nous découvrons leur art de la chasse et de la cueillette du miel sauvage, leurs croyances, les relations entre hommes et femmes, leur usage de la magie, leur art très particulier de se déplacer plus rapidement que quiconque dans la forêt…
Sorel Eta offre ainsi aux lecteurs un condensé d’humanité riche d’enseignements.
«Cela fait aujourd’hui vingt-six ans que je parcours la forêt avec les Aka et j’ai découvert beaucoup de choses. L’ouvrage “Université de la forêt”, est une façon, pour moi, de dire que la forêt est une université, donc une école. Une “École de la forêt” que je définis comme étant une pédagogie mise en place par les peuples autochtones pour transmettre des connaissances et le savoir-faire à leurs descendants. J’ai donc voulu, à travers ce livre, partager mon expérience, parce que quand on est chercheur, la finalité, c’est de publier, de léguer quelque chose à l’humanité», explique le néo-écrivain. Qui, lorsqu’il s’est retrouvé chez les Aka en 1996, a découvert que la forêt est une grande école, qui se différencie de l’école conventionnelle par des méthodes d’apprentissage: il y a l’observation, l’écoute et l’imitation pour l’université de la forêt, et l’écriture et la lecture pour l’école conventionnelle. «J’ai appris beaucoup de choses qui ont fait que je devienne ethnologue. Je ne suis pas diplômé d’université mais autodidacte, j’ai commencé à apprendre cela juste après mon baccalauréat. C’est une expérience que beaucoup de gens peuvent vivre. A l’université de la forêt, il y a des choses que nous pouvons apprendre et non à l’université conventionnelle. Donc, c’est pour moi une façon de sauvegarder cette école qui fait partie des richesses de l’humanité, parce que si d’un côté on a l’université conventionnelle et de l’autre l’université de la forêt, cela fait partie de la diversité, et nous savons tous que la diversité est une richesse», explique-t-il. Et d’ajouter: «J’ai été adopté par les Aka. Ils m’ont accepté dans leur milieu, m’ont appris beaucoup de choses tant sur le plan visible qu’invisible, et c’est cela qui m’a permis d’écrire avec aisance ce livre que j’intitule «L’université de la forêt», parce que pour arriver à écrire un tel livre, il faut être du milieu. Je dis toujours qu’avant d’entreprendre n’importe quelle activité avec les Aka ou de défendre leur cause, il faut, au préalable, prendre le temps de les connaître. Lorsque je parle de la connaissance, je fais allusion à l’aspect visible et invisible.»
Vendu en librairie au prix de 12 euros (Près de 8 000 F. CFA), le coup d’essai de Sorel Eta sera présenté officiellement le 1er octobre prochain, en France. A cette occasion, les musiciens Aka du groupe Ndima se mettront en vedette.

Véran Carrhol YANGA