La rumba congolaise avait en Mathieu Kuka un de ses héraults décédé le 28 octobre 2017 à Kinshasa des suites d’une courte maladie. Il était l’un des ancêtres de la Rumba congolaise et ancien compagnon de Kallé Jeff ‘’Grand Kallé’’. Il était aussi l’un des derniers survivants et doyens de la génération ‘’African Jazz’’ qui résistait encore face aux intempéries de la vie. Quatre ans après son décès que peut-on retenir de lui?

Auteur-compositeur averti et chanteur, Mathieu Kuka avait aussi participé et apporté sa touche d’écriture dans la célèbre et légendaire chanson «Indépendance TchaTcha!», qui est une composition de Grand Kallé, père de la Rumba congolaise. L’écriture de Kuka Mathieu était limpide, simple et subtile à la fois. L’artiste était né le 17 septembre 1931. En quittant ce monde, il légua aux mélomanes tout son vieil et alléchant répertoire qui a fait l’apothéose de la scène musicale congolaise dans les années 50-60-70. Chanteur à la voix soprano, il a commencé sa carrière en 1952 au sein des éditions Ngoma de l’Editeur grec Nico Jeronimidis. De 1952 à 1953, il a évolué aux côtés de l’organiste Raphaël Kabangu, puis du guitariste et peintre Guy Léon Fylla.
En 1962, il intègre l’orchestre ‘’Vox Africa’’ de Jeannot Bombenga (première formule) avant de composer, en 1963, avec Joseph Kabasele à la suite du départ massif de ses musiciens pour former l’African Jazz (nouvelle formule). Au nombre de ses compagnons de l’époque, on retrouve des figures de proue qui ont marqué la deuxième génération des pionniers de la rumba congolaise comme Kabasele, Bombenga, Rolly Nsita, Alexis Miekuta, Kambite ‘’Damoiseau’’, Nedule ‘’Papa Noël’’, Pierre Kiyika ‘’Flamy’’, Casimir Mutsipule ‘’Casino’’…La célèbre chanson ‘’BB 69’’ est la plus grande réussite de sa carrière. Les grands succès de cette période sont: ‘’Mbombo wa Ntumba’’, ‘’Nzambe Mungu’’, ‘’Semeki semeki’’. Editée en 1969 dans l’orchestre ‘’African-Jazz’’, nouvelle formule, ‘’B.B.69’’ reste, particulièrement, l’une de ses meilleures écritures. Ce tube a été même à la base d’une forte confusion, à l’époque, car beaucoup de gens pensait que l’artiste aurait dédié cette chanson à la célèbre actrice française Brigitte Bardot. Alors que ce n’était qu’une simple coïncidence d’initiales. Sur le plan purement artistique, ‘’B.B. 69’’ figure parmi les chansons mythiques congolaises dont l’orchestration continue à inspirer jusqu’à nos jours les musiciens de la nouvelle génération. L’année 1970 est celle où Grand Kallé s’est installé en France pour former avec Manu Dibango, Gonzalo, Essous et les autres, le groupe ‘’L’African team’’. Mathieu Kuka prendra la direction de l’orchestre ‘’Volcan ni beto ba’’ où il va évoluer pendant une année jusqu’à se diluer de la scène.
Après une longue éclipse, le chanteur va de nouveau renouer avec la scène comme un véritable artisan de la reconnaissance de l’identité musicale de l’Ecole African Jazz. Il crée en 1990, le groupe ‘’African Ambiance’’ qui sera constitué en majorité des anciens musiciens du ‘’Clan African Jazz’’. Père de la Rumba congolaise et virtuose de la chanson, Mathieu Kuka a quitté ce monde à 86 ans après avoir servi et défendu avec brio la musique congolaise pendant 65 ans de carrière musicale. Il a su bien conduit et promu cette musique dans de nombreuses scènes dans les deux Congo et à travers le monde. Ces chansons continueront à bercer les cœurs des mélomanes et il restera immortel à jamais à travers ses œuvres.

Alain-Patrick MASSAMBA