Les Français viennent de confirmer M. Emmanuel Macron comme leur Président pour les cinq prochaines années. Il pourra y avoir des nuances, même d’importance, mais le fait est que l’Afrique a été soulagée de l’apprendre. «Mieux vaut lui !», a-t-on pu entendre même dans certaines capitales bougonnes de ces jours-ci comme Bangui ou Bamako. C’est que la relation franco-africaine est celle d’un vieux couple qu’un rien agace: l’absence de l’autre ou sa présence.
Ces derniers temps, l’agacement est même monté d’un cran; une crise d’urticaire qui, ici ou là, a frisé un sentiment anti-français, allant au paradoxe de réclamer le départ des Français au motif qu’ils ont retiré leurs armées là où nous sommes menacés par le djihadisme ou des rebellions alimentées. Alors, partir ou rester? A un certain moment, les excités de la place ont semblé reprocher ces deux contradictions à M. Macron, et les hourras qui sont montés des quartiers au soir du 24 avril au dévoilement de la figure du vainqueur de l’élection du 2è tour en France procèdent de la même schizophrénie!
«Ouf ! c’est Macron!». Soulagement donc. Assurance de continuer à cheminer avec quelqu’un que l’on connaît. Quelqu’un qui a esquissé des gestes très prometteurs pour cette Afrique qui n’est plus celle de papa: sur le franc CFA, sur la restitution des œuvres d’art africains, sur les sommets Afrique-France, sur la qualification des faits coloniaux ou son éloignement ostensible de nos dirigeants souvent moins soucieux du bien-être de leurs peuples, etc… M. Macron, président jeune, a pu aussi rencontrer l’impétuosité des jeunes d’Afrique, dans des sommets décomplexés. Tout cela, qui relève désormais du symbole assumé, attend de la substance. Elle viendra ou ne viendra pas en raison des incertitudes des temps présents.
L’Afrique, surtout l’Afrique francophone, tient la France pour son modèle en tout. Tous les Présidents au pouvoir ont, peu ou prou, étudié dans les écoles françaises. Une fois au pouvoir, ils ont tenté de reproduire ce qu’ils ont côtoyé. Mais, volonté ou incapacité, ils ne sont jamais parvenus à reproduire cette démocratie dont nous avons applaudi la brillante manifestation le 24 avril dernier. Leurs peuples affamés et frustrés leur en tiennent rigueur, eux ou ceux qu’ils suspectent de les soutenir sans regard sur le rétroviseur.
Une guerre incroyable se déroule actuellement en Ukraine. Elle oppose deux pays qu’au Congo nous connaissons bien, et dans lesquels aujourd’hui encore des étudiants de chez nous ont leurs noms inscrits dans les registres de leurs athénées. Que sortira-t-il de cette guerre dont les premiers effets touchent, chez nous, aux denrées de première nécessité? Personne ne le sait bien encore. Mais l’Afrique a pu voir une figure familière, celle de M. Macron, tenter de s’interposer et d’appeler les deux belligérants à la raison. Il est rassurant de voir que la France partage ses appréhensions et, à défaut de parvenir à éteindre l’incendie, elle s’inscrit dans le registre de ceux qui ont tenté de faire quelque chose. Cela profitera indirectement à l’Afrique.
Une nouvelle relation va s’instaurer avec le nouveau mandat du Président Macron. Les cris de frustration lui sont parvenus de Ouagadougou, de Bamako ou de Conakry. La difficulté est qu’à Paris, les choses ont changé, mais qu’en Afrique, elles sont restées les mêmes, coups d’Etat ou pas. La nouvelle politique africaine de la France est attendue même par ceux qui prétendent n’en attendre rien. Le flot des messages de félicitations sur le bureau du Président français depuis dimanche montre à suffisance qu’il y a des positions de posture, du vernis qui ne doit pas induire en erreur.

Albert S. MIANZOUKOUTA