En séjour à Pointe-Noire le 23 août 2020 pour la messe du port de pallium par Mgr Angel Miguel Olaverri, archevêque de Pointe-Noire, Mgr Yves Marie Monot, évêque de Ouesso, s’est prêté aux questions de La Semaine Africaine. L’évêque de Ouesso explique sa vision de coresponsabilité des archidiocèses récemment créés et son ambition d’expérimenter une pastorale forestière comme en Amazonie.

*Mgr, pouvez-vous présenter succinctement le diocèse de Ouesso dont vous êtes l’évêque?
**Je salue d’abord tous les lecteurs de La Semaine Africaine, je suis moi-même un lecteur assidu de votre journal depuis mon arrivée à Loango en 1967, en tant que séminariste stagiaire.
Actuellement, le diocèse de Ouesso ne compte qu’une vingtaine de prêtres qui sont au travail chaque année. C’est insuffisant. Il y a aussi quelques prêtres qui sont aux études à l’étranger, en formations diverses. Ainsi, nous demandons un accompagnement aux autres diocèses de l’Eglise du Congo. L’archidiocèse le plus généreux pour le moment c’est celui de Brazzaville. Cette année encore, il nous propose deux prêtres qui ont déjà une expérience dans le ministère et qui vont venir travailler avec nous pour 3 ans d’abord. Et ensuite on verra s’il faut proroger.
Nous avons dans notre diocèse 120.000 habitants (Département de la Sangha). Il y a 37.000 habitants à Ouesso, la capitale du département. La ville de Pokola qui a été fondée sur un chantier forestier de la CIB est déjà à 15.000 habitants. La petite ville de Gombé sur le chantier IFO compte environ 11.000 habitants. Cela veut dire qu’à peu près la moitié de la population de notre diocèse se trouve dans ces trois centres. Auxquels, il faut ajouter les habitants des autres petits districts, notamment Sembé, Souanké, Ngballa, Mokéko et Kabou, récemment créés.
Nous avons donc des prêtres qui travaillent en milieu urbain, et beaucoup d’autres en milieu forestier. Notez que je ne dis pas milieu rural, je dis plutôt milieu forestier. Ce n’est pas pareil. Imaginez les difficultés de déplacement, de communication, d’approvisionnement, etc. Notre diocèse fait 56.000 Km2, quasiment couverts de forêt, où les populations ne vivent presque que de la chasse et de la pêche.

*Suite à la création de l’archidiocèse de Pointe-Noire, vous avez participé à la messe du port de Pallium par Mgr Miguel Olaverri. Qu’est-ce que cela vous inspire-t-il?
**Je disais tantôt que le nombre de prêtres est insuffisant dans notre diocèse. J’espère que la création de ces nouveaux archidiocèses va aussi favoriser l’envoi des missionnaires pour les autres diocèses. J’attire l’attention de ces trois archidiocèses parce pour le moment il est par exemple très difficile d’avoir à Ouesso un prêtre fidei donum, venant de Pointe-Noire. Je ne dis pas que c’est impossible, il y en a déjà eu, par exemple l’abbé Yvon Loemba qui est maintenant à Mbota Tchignambi.
Nous aussi, même si nous n’avons pas beaucoup de prêtres, nous pouvons aussi envoyer un prêtre à Pointe-Noire. Ce n’est pas une question de nombre, c’est plutôt une question de coresponsabilité. Si cette coresponsabilité se vit, si quelqu’un qui est né dans la Sangha peut aller travailler à 1 300 Km, à Pointe-Noire, ce serait formidable. Nous pouvons témoigner de cet échange entre nous. L’échange est bénéfique, il porte du fruit. J’ose espérer que nos trois archidiocèses seront profondément missionnaires.

*Que prévoit le calendrier pastoral et liturgique de votre diocèse à court ou moyen terme?
**Comme tout le monde nous avons vécu le temps du confinement à cause du coronavirus. Pour le moment, les prêtres sont partis en vacance. Il leur faut un mois et demi de vacance, car nous sommes très éloignés des grands centres que sont Brazzaville, Pointe-Noire et d’ailleurs. Le temps de partir, de se reposer de rendre visite aux parents qui nous ne sont pas forcément à Ouesso, et ensuite de revenir et s’installer pour reprendre le travail, il faut au moins un mois et demi. Les affectations auront lieu à la rentrée, simplement parce que nous ne sommes pas très nombreux, et de ce fait c’est difficile de réajuster après si un prêtre venait à manquer. Nous n’avons pas suffisamment de marge pour le moment.
Mais déjà, je peux annoncer que nous allons nous retrouver du lundi 21 au mercredi 23 septembre 2020, à la fête de Saint Matthieu, pour une session pastorale de rentrée. Nous allons réfléchir sur la pastorale de cette année.
Je suis tenté d’utiliser ou plutôt d’expérimenter le merveilleux travail qui a été fait au niveau de l’Amazonie, car nous aussi nous sommes un diocèse forestier, pleinement forestier, avec des peuples autochtones. Certains viennent des contrées lointaines de Pikounda, d’autres viennent du Cameroun, etc.
Quand je parle de ce qui a été fait en Amazonie, je fais allusion au Synode sur l’Amazonie. Certes, nous ne ferons pas un synode, mais nous pouvons profiter de leurs interrogations, voir toutes les questions qui peuvent se poser dans des régions forestières comme la nôtre. Et ensuite profiter de leurs approches de solutions, voir comment intégrer une pastorale forestière chez nous.
La configuration de notre diocèse demande que nous soyons des prêtres missionnaires dans le contexte forestier. Raison pour laquelle nous devons aller chercher cette expérience sur l’Amazonie qui est maintenant écrite, pour l’adapter à notre situation, à notre réalité. C’est cela notre orientation pour la nouvelle année pastorale.
Ainsi, en plus des quatre principaux groupes linguistiques que sont les bakouélé, les Ndjem, les Sangha-sangha et les manguilis, nous devons être un peu plus attentifs à l’endroit de ces peuples autochtones qui sont tout autour de nous. C’est un monde qui est sociologiquement diversifié, avec lequel nous devons travailler.

*Au-delà de la réflexion sur une pastorale de forêt, qu’est-ce qui va particulièrement marquer cette session de rentrée?
**C’est une semaine exceptionnelle que nous allons vivre au cours de cette session. Nous serons avec les responsables laïcs de nos paroisses et les responsables des mouvements de jeunes. Depuis que nous avions fait une session pastorale avec les jeunes et pour les jeunes, nous avons remarqué qu’ils sont de plus en plus motivés et présents avec nous. Cela est très important. Cette semaine sera particulière parce que le samedi 26 septembre 2020 à 9h30 nous aurons une grande célébration eucharistique avec 3 jeunes qui vont faire leur engagement vers le sacerdoce. Ils ont fini leur stage inter cycle et vont entrer en théologie. Au cours de cette même messe du samedi matin, il y aura profession de vœux perpétuels d’une religieuse, sœur Lydie Okaye, une Servante du Seigneur. C’est la fondation créée par notre Evêque émérite Mgr Hervé Itoua.
Cette Fondation (congrégation) avance petitement en nombre, mais elle avance grandement en responsabilités. Toutes nos sœurs travaillent; les unes dans l’éducation (elles dirigent une école) et les autres dans la santé. Il y a là véritablement, un engagement de nos sœurs diocésaines, les Servantes du Seigneur. Et le soir de ce samedi nous terminerons avec une prestation de la chorale pour mettre un peu plus de joie.
Le lendemain dimanche 27 septembre 2020 nous aurons deux ordinations sacerdotales. Nous allons vivre ces moments de prière avec celui qui est devenu l’Evêque d’Impfondo, Mgr Daniel Nzika qui est originaire de notre diocèse de Ouesso. J’ai pensé que ce serait bien qu’il ordonne ces deux prêtres qu’il a suivis, tout comme moi. Les deux ordinands sont l’abbé Roland Ngassaki et l’abbé Vianney Issambo. C’est aussi à l’occasion de cette messe d’ordination que seront proclamées les affectations. Chacun de nos prêtres recevra donc son poste et ses responsabilités.

*Votre diocèse est frontalier du Cameroun, du Gabon et de la Centrafrique. Quelles sont vos relations avec les diocèses frontaliers?
**Pour l’instant les relations avec les diocèses des pays voisins ne sont pas très effectives. J’aurais aimé que ce soit plus dynamique, plus développé, hélas ce n’est pas encore le cas. Mais là aussi, je crois qu’il y a un certain nombre de choses à faire. On peut réfléchir ensemble sur la pastorale forestière, voir ce qu’on peut faire en commun, échanger les expériences, les initiatives, etc.
Notre diocèse est mitoyen avec trois diocèses camerounais, un diocèse gabonais, et aussi avec la Centrafrique. Mais c’est tellement forestier, avec de très petits villages, à tel point qu’il est difficile de faire un travail conséquent.
Mais je pense que les relations avec les diocèses des pays voisins pourront se développer avec la construction de nouvelles routes inter états financées par la Banque africaine de développement (BAD). Par exemple la route qui part de Ouesso permet d’atteindre Yokadouma, Batoui et Bertoua, etc. et l’autre route de Sembé, Souanké, Kabosse, jusqu’à la frontière du Cameroun. Et si nous prolongeons vers l’ouest nous arrivons à Sangmalima, Mbalmayo jusqu’à Yaoundé.
Cependant, il ne faut pas oublier que les diocèses voisins des pays frontaliers sont pratiquement dans les mêmes conditions que nous. Entre deux paroisses, il peut y avoir 100 Km de forêt. Alors vous pouvez imaginer la nature des difficultés.

*Pour terminer, avez-vous un message, un souhait, un vœu à émettre?
**D’abord pour la Radio Maria de Ouesso ravagée récemment par un incendie. Si quelqu’un peut nous aider à la remettre en marche, il sera missionnaire avec nous, il sera apôtre à la suite de Jésus. Notre Radio Maria, nous l’avons fondée en 2004. Elle est très utile pour l’évangélisation des peuples de notre diocèse.
Ensuite, j’ai un vœu pour La Semaine Africaine. Nous ne lisons pas suffisamment. Et pourtant la qualité de ce journal est actuellement bonne, la qualité des éditoriaux, l’ouverture sur le monde qu’il y a dans ce journal, sont des choses très importantes. Il faut absolument que nous arrivions à donner non seulement le gout de la lecture, mais aussi le gout, la volonté de financer la parution de ce journal. Pour le moment les gens n’ont pas encore la volonté d’acheter le journal à 500 frs. C’est dommage. Et pourtant plusieurs questions, plusieurs sujets sont traités dans ce journal et de manière intelligente.
Toutes les paroisses de notre diocèse sont abonnées à La Semaine Africaine et reçoivent régulièrement le journal. Cela permet à tous les prêtres d’être informés des nouvelles de l’Eglise du Congo, et aussi d’avoir un ministère ouvert sur le monde, ouvert sur les différentes questions qui concernent le Congo au niveau sociopolitique, économique, religieux, etc. Par ailleurs, il faut davantage de reportages au plus près des communautés non seulement urbaines, mais aussi rurales, j’allais dire forestières.

Propos recueillis par
Jean BANZOUZI MALONGA