Ladis Arcade serait-il donc un évadé de son époque! Alors que cette dernière agonise sous les assauts de multiples conflits et crises qui la minent, voici qu’un artiste aux allures jupitériennes, manifestement en lévitation, trouve moyen de s’extirper des galères de son temps, pour décréter gaillardement: «A part ça, tout va bien». Un album aux accents romantiques, voire utopiques, qui ose naviguer à contre-courant de l’opinion générale. Alors, s’agit-il d’une trahison de la part de cet artiste réputé lucide en critique sociale? Ou bien d’un choix délibéré de se placer dans l’angle mort de la société, afin de mieux en révéler les vices par effet de contraste?

Quoiqu’il en soit, «A part ça, tout va bien» est le dernier-né de ses entrailles, sorti sur le marché du disque en ce tout début de mois de juillet 2022. Et c’est pour le présenter au grand public que ce musicien en pleine forme a organisé une conférence de presse le vendredi 15 juillet 2022 à Paris. Ayant répondu à l’invitation de l’artiste, plusieurs médias s’y sont retrouvés, dont les agences ADIAC et ZIANA TV, cette dernière la diffusant même en direct sur ses antennes.
Souvenirs, souvenirs.
Au tournant des années 2010, un artiste, encore presque en herbe, pousse à l’ombre. Très vite, en l’espace de trois albums (‘’Bidilou’’ «Tam Tam d’or 2013», ‘’Lussendé’’, ‘’Bu tumbu’’), il rencontre son public. Il s’appelle Ladis Arcade, de son vrai nom Ladislas Arcade Mboungui Bokassa. Sa force? Son talent infusé dans son répertoire, détonnant d’originalité, de variété et de profondeur, où s’entremêlent, sans s’entrechoquer, moult genres musicaux: rumba, folk, zouk, salsa, soukouss, compas, reggae… Autant de raisons de démarcation face à la concurrence, qui, elle, sauf quelques exceptions, campe dans de minables lieux communs, à faible valeur ajoutée. Facilité quand tu nous tiens ! Rien de surprenant ensuite de voir ce genre d’œuvre être distinguée, notamment à l’international. Comme à Kinshasa en 2019, au festival «Pool Malebo Music Awards».
Il s’était pourtant jusque-là illustré dans la complainte. Dans «A part ça, tout va bien», l’artiste ose un tournant, en se faisant volontiers chantre de l’optimisme. Sans doute, est-ce pour lui une façon d’exorciser le mal-être social ambiant et offrir dans la foulée un rayon de soleil à l’humanité, prise en étau par le spectre d’un retour de la COVID-19 et la psychose de la guerre en Ukraine. Exit donc les pleurs (Bidilou), exit les épines (Lussendé), exit les sorts du destin (Bu tumbu), et cap vers la «bonne espérance»! Et voilà ainsi la musique revenue dans son magistère, celui d’adoucir les mœurs!
La verve de l’artiste:
oh kambo o o, oh yandiii!
Ceci est son cri de guerre, qu’il scande habituellement pour faire monter l’adrénaline et prendre courage ! Il signifie, la distinction par les faits, et non par la spéculation, le ‘’songi-songi’’ ou le ‘’kongossa’’.
Cela étant, c’est dans une ambiance bon enfant, sous la maitrise cérémonielle du chroniqueur musical de ZIANA TV, Guy Francis Tsiehela, que Ladis Arcade, grâce au charme de son bagout, réalise une bonne prestation. Maitrisant à fond ses thématiques, son discours est de très bonne tenue. Les dix titres constitutifs de son album sont méthodiquement passés en revue, devant une presse enthousiaste mais exigeante. Au fil du récit, l’album est littéralement mis à nu, et son intimité finalement révélée au grand jour, donnant à voir ce qu’il a de plus substantiel: la critique sociale. De «patrimoine», le premier titre à «Papa Mboungui», le dernier, ladis Arcade pointe les travers de notre temps: dépravation des mœurs, jalousie sociale, ingratitude, paresse… tout y passe. Sans concession.
Sur la forme, «A part ça, tout va bien» propose un savoureux cocktail de rythmes tropicaux, exhalant, au hasard des chansons, des genres musicaux bigarrés, même si la rumba congolaise se taille la part du lion. Peut-être un clin d’œil subtil de l’artiste à ce grand genre musical récemment admis au patrimoine culturel immatériel de l’humanité de l’UNESCO.
On l’interroge sur sa propension à chanter en lari, sa langue maternelle, alors qu’il prône l’ouverture. Ladis Arcade convoque fissa la carrière des artistes de renom tels que Michael Jackson, Youssou Ndour, Mory Kanté et même plus proche du Congo, Jacques Loubelo, qui ont pu s’implanter à l’international, nonobstant l’usage des «langues locales» dans leur chanson. Car, affirme-t-il, la chanson n’est pas qu’un véhicule de texte. Elle est, surtout et avant tout, partage d’émotions. Et de fait, en charge émotionnelle, cet album est un incontestable geyser, où les mélomanes peuvent venir s’abreuver, à satiété.
La conférence de presse atteint son sommet lorsque passe à l’écran, prévu pour la circonstance, un extrait de l’album: «Patrimoine» qui vient mettre tout le monde d’accord. Dès lors, la messe est dite. Extinction des feux, direction la tonnelle, après la ritournelle, pour se désaltérer, au terme d’une journée très ensoleillée.

Guy Francis TSIEHELA
Chroniqueur musical L’album est une autoproduction
Disponible sur www.LADIS-ARCADE.COM