Des villes, et même des pays, sont reconnaissables dans le monde. Par des particularités architecturales, des spécificités environnementales, des traits de culture: chaque pays a son symbole reconnu par les autres. Un pictogramme suffit à identifier Paris, Rome ou Londres. Des monuments célèbres y sont implantés, devenus marques indiscutées d’identification pour le monde entier.
Mais sauriez-vous distinguer, parmi la centaine de nos villes de plus de 20.000 habitants, Dolisie de Ouesso, Sibiti de Gamboma par leur symbole? Et quel est-il? Et pourtant, il y a très certainement une manière de reconnaissance entre Madingou et Nkayi, même si toutes deux se situent à quelques kilomètres seulement l’une de l’autre, dans la même vallée! Ou Owando de Makoua…
Pointe-Noire, notre unique ville d’importance au bord de l’Océan atlantique, n’est pas mieux lotie ! Par les appellations diverses dont nous l’affublons, des plus inspirées aux plus inutiles, notre capitale économique est noyée dans une identité de brume, qui la rend semblable à des centaines d’autres: sans histoire, sans impact durable sur les mémoires.
«Ponton-la-belle» ? Il n’y a rien de plus éphémère qu’une beauté, surtout si elle n’est pas entretenue. «Capitale de l’or noir» ? Oui, mais le pétrole passera, alors que la ville est appelée à durer. «Ville océane» ? Lapalisse aurait trouvé mieux ! Donc, nous avons des villes que nous ne savons ni nommer, ni identifier, ni désigner aux autres.
Brazzaville-la-verte est-elle restée aussi verte dans la pression démographique qui la caractérise, et qui fait qu’elle va bientôt compter moins de feuillages d’arbres naturels? Appeler ainsi une ville par un adjectif suppose de s’assurer que nous serons toujours attachés à la valeur d’écologie. Il y a 20 ans, Brazzaville était verte de la verdure de la forêt de la Cité des 17, de celles de la Patte d’oie, des versants de Mikalou et du pourtour de l’ex-ORSTOM. Il n’en reste que des souvenirs.
Même la Patte d’oie qui résiste cache mal les lèpres des appétits fonciers qui grignotent petit à petit la plus belle place de Brazzaville. Son parc zoologique n’existe plus. Sa végétation unique est toujours admirée de l’extérieur. Mais à l’intérieur, elle est rongée par l’activité criminelle des fabricants de charbon, ou les effets des incendies.
Alors, en quoi la ville méritera-t-elle demain le qualificatif de ville verte? Pour ses seuls taxis? La capitale compte en son centre un immeuble imposant, à la forme de tam-tam: sommes-nous seulement un peuple de joueurs de tam-tam? Est-ce cela qui nous représente le mieux aux yeux du reste de l’Afrique? Notre équipe nationale, ce sont les Diables-Rouges: sommes-nous toujours diables, et toujours rouges?
Et n’y a-t-il pas malaise à prendre ce symbole de la diablerie par ailleurs déjà sollicité en Belgique? Plus que des mots et des images, nos symboles de souveraineté identifiante doivent savoir parler à notre mental, forger notre identité. Tant qu’ils seront pensés et conçus par et pour d’autres, ils ne seront pas nôtres. Et, donc, ne représenteront personne.

Albert S. MIANZOUKOUTA