En troisième lieu, nous avons l’intervention de la CEC de 2018, durant laquelle le message était centré sur la crise sociopolitique et économique qui se vivait au Congo-Brazzaville. Dans ce Message, les Evêques du Congo, fidèles à la Mission de l’Eglise d’annoncer à temps et à contretemps la Parole de Dieu et d’accompagner le peuple de Dieu à être dans le monde «sel et lumière du monde» (Mt 5, 13-14), ont examiné minutieusement la crise sociopolitique et économique qui mine la vie sociale congolaise. En effet, ils disent à ce propos que «Dans le présent message, nous voulons partager notre conviction profonde sur les origines du mal de notre pays et sur les perspectives de sortie de crise. Comme en témoignent nos différents messages antérieurs, notre conviction s’est forgée au fil des années et se trouve confortée par les difficultés que traverse notre pays depuis au moins trois ans. Toutes ces difficultés sont arrivées – c’est notre conviction la plus profonde – parce que le gouvernement et tous ceux à qui il incombait d’en décider, ont ignoré notre Message de Noel 2014, qui stipulait qu’en régime démocratique, aucune réforme qui suscite de fortes tensions et oppositions n’a jamais profité au peuple. Et par conséquent, un changement de la Constitution dans la division… mettrait en péril la paix sociale» (N°10). Dans le message de la 44e Assemblée Plénière, N°31, nous appelions au futur Président de la République de s’engager à sauver la Nation en imprimant un nouvel agir, comme déjà dit dans le message de la 41e Assemblée Plénière sur les Antivaleurs. Et que dire de la crise dans le Pool? Hélas, le Congo n’en est pas à sa première guerre du Pool. Depuis 1998, ce département est régulièrement secoué par des crises et des conflits armés, qui, à chaque fois, sont conclus par des accords de paix et de cessation des hostilités, doublés d’un programme de démobilisation et de réinsertion des ex-combattants. Mais à chaque fois aussi, les véritables victimes que sont les populations civiles n’ont pas été prises en compte. Nous, Évêques, pensons que, pour conjurer définitivement ce mal du Pool, des accords de paix sur le papier ne suffiront pas. Il faudra aller plus loin, en intégrant l’exigence de vérité sur les origines de cette crise récurrente. Le peuple a le droit de savoir ce qui s’est passé: les causes et les conséquences, mais surtout les responsabilités des uns et des autres. Les morts et les destructions dans ce département appellent justice et réparation. Une réconciliation véritable n’est qu’à ce prix, pour permettre à notre pays de sortir de la crise multiforme qu’il vit». Fort de ces constats, la CEC propose d’«Ouvrir un dialogue politique le plus large possible en vue de discuter du modèle politique et institutionnel que nous voulons dans notre pays, qui s’appuiera sur des valeurs morales susceptibles de fonder une vie politique pérenne et stable. Ce qui exige une justice équitable et indépendante.
Dans ce cadre, comme nous l’avions déjà dit dans notre message de la 45e Assemblée Plénière N°27, libérez toutes les personnes en prison à la suite des contentieux politiques. Faire un audit de la dette du Congo-Brazzaville, de tous les projets réalisés particulièrement dans le cadre de l’accord de coopération avec la Chine et autres pays concernés, ainsi que de tous les fonds obtenus grâce aux préfinancements pétroliers et de leur utilisation. À vous tous qui avez pris et prenez l’argent public, nous vous demandons de le rendre au Congo-Brazzaville. Créer un corps indépendant, constitué de magistrats élus par leurs pairs et d’Autorités morales, chargé de réprimer la corruption. Créer également un corps d’auditeurs généraux, dont le dirigeant serait nommé par vote des deux tiers du Parlement pour un mandat de 15 ans non-renouvelable. Aux gouvernements des pays du nord, nous disons: Aidez les Congolais à recouvrer l’argent gardé impunément chez vous. Ces fonds pourraient servir ici la cause du développement».
Recommandations et perspectives d’avenir:
La raison principale pour laquelle les Evêques de la CEC interviennent dans la sphère publique au Congo, c’est la défense du principe de la dignité de la personne humaine cher à la Doctrine Sociale de L’Eglise. Certes, les Evêques sont incompris dans leurs interventions dans les médias et les moyens de communication à leur disposition dans un monde qui se veut numérique et moderne. C’est pourquoi, pour pallier cette incompréhension, la CEC aurait plus à gagner si elle s’investissait dans la formation de base du peuple à la «conscience politique» et à la gestion du Bien commun. C’est un travail de longue haleine, mais il faut s’appuyer sur les jeunes générations éprises de liberté. Car, «la masse n’a pas d’âme» et le dialogue entre l’Etat et l’Eglise n’est pas toujours facile tout en respectant le principe de la séparation du Trône et de l’Autel. Logiquement, le rapport entre la Religion et l’Etat devrait être un rapport de coopération et de compréhension, comme c’est le cas sous d’autres cieux, nous osons espérer que les choses continueront à évoluer dans ce sens…
Par exemple, la CEC pourrait prévoir la mise en place d’une Faculté des Sciences Sociales au sein de l’Université Catholique qui a été mise en route dans l’Archidiocèse de Pointe-Noire. Et, dans ladite Faculté, les futurs étudiants pourraient être formés dans la recherche en gestion du bien commun, de l’éthique sociale et du patriotisme, inspirée évidemment par la vie évangélique. Nous sommes convaincus qu’après deux ou trois générations d’étudiants et de ce qui se ferait en amant dans les écoles catholiques, primaires, collèges et lycées, la conscience politique du peuple pourrait s’éveiller. Car, «ce sont les ignorants qu’on manipule facilement». Mais un peuple, voire une jeunesse bien formée, ne peut être manipulée, à l’image de ce qui se fait en Italie dans l’Université Pontificale la Grégorienne, au sein du ‘’Centro Fede e Cultura Alberto Hurtado’’, cette école s’intitule Sinderesi. En effet, des programmes bien élaborés au tour des thématiques afférentes à l’éthique et à la formation de la conscience politique, rendraient un grand service aux futurs leaders de notre pays.
L’Eglise catholique fort de son accord-cadre avec l’Etat congolais, devrait utiliser ce levier juridique pour investir légalement l’espace publique, en ce qui concerne la formation des jeunes générations à la conscience politique et à la gestion du bien commun, afin que leur discours social ait un impact efficace. Car l’Eglise catholique grâce à son leadership moral, peut beaucoup gagner dans l’éducation des futurs leaders du Congo, d’autant plus que les écoles et les universités catholiques sont fréquentées par tout le monde sans distinction de couleur ni de croyance. En effet, ce n’est plus un secret de polichinelle, la société congolaise à l’instar du sinistré de la Parabole du bon Samaritain, est malade, c’est fondamentalement l’être congolais qui est malade et meurtri, alors il faut le guérir voir le secourir. Et la formation des jeunes à la vraie conscience politique et à la citoyenneté responsable est l’un des moyens pour préparer l’avenir en espérance (Rm 5, 5).
Abbé Giscard Stève MAYALA MAMPASSI
Prêtre de l’Archidiocèse de Pointe-Noire
Directeur diocésain de la Caritas







