L’étude sommaire du chapitre 7 du Cantique des cantiques qui fait l’objet de notre méditation, a eu principalement pour support la Bible de Jérusalem. Dans cette bible, le chapitre 7 constitue en partie le contenu du 9e (v.1-11) et 10e poèmes (vv.12-14) du livre de Cantique des cantiques. Nous nous attèlerons exclusivement sur l’analyse littéraire et théologique du chapitre 7 sans tenir compte du découpage poétique de la BJ. L’objectif visé est de ressortir l’intérêt théologique et l’actualité de ce passage biblique.
Le chapitre 7 est l’avant-dernier chapitre du Cantique des cantiques. Il présente trois discours. Par une brève apostrophe le Chœur invite avec insistance à la Bien-Aimée de revenir pour être admirée (v.1a: «reviens, reviens, que nous te regardions!»). Comme simple observateur ou spectateur, le Chœur peut être identifié au monde à qui l’épouse n’appartient pas. Elle est plutôt uniquement au Bien-Aimé qui le rappelle longuement à partir du verset 1b jusqu’au verset 10a. L’intervention abrupte du Bien-Aimé sonne en effet comme une interpellation (v.1b: «Ah! Vous la regardez, la Sulamite…).» Cette dernière, selon la Tradition, représenterait la vierge et belle Avishag confiée au roi David au chevet de sa vie (Cf. note de bas de page c de la BJ).
A l’image d’Avishag qui ne fut pas souillée (1 Rois 1, 3), la Bien-Aimée est peinte comme une partenaire sans défaut, réservée au roi seul (v.6). Et qui est le chef ou le roi sinon Dieu lui-même! Ainsi loin d’être une peinture humaine ordinaire, les images utilisées par le scripteur ici ne sont qu’un moyen didactique qui révèle l’amour sublime et incommensurable de Dieu pour son peuple. Il faut comprendre par la terminologie peuple de Dieu, cette part de l’humanité croyante qui lui est docile et fidèle, contrairement aux autres qui ne sont que des spectateurs.
Le portrait physique de la Bien-Aimée commence des pieds jusqu’au visage. Le contexte est celui de la danse, faisant donc allusion à la noce comme Jésus à Cana qui épouse la condition humaine, en rependant aux attentes charnelles (dans le sens des besoins du corps) de l’humanité par l’octroi du vin, signe porteur de joie et de fécondité. Contrairement aux Grecs qui méprisent le corps, Dieu le véritable artiste qui a façonné cette dimension indispensable de la personne humaine, sanctifie le corps qu’il compare au temple où il demeure (Jean 14, 23; Jean 2, 21; Ephésiens 5, 30; etc.). Le corps devient ainsi cette terre promise symbolisé par l’évocation des lieux du pays d’Israël (v.5: Heshbôn, Damas). La sacralité du corps est mise en évidence quand il est assimilé au palmier (vv8 et 9), plante servant à orner le temple en Israël et en Egypte antique.
Par ailleurs, nous pouvons aussi relever quelques images symboliques riches de sens. Le vin et le froment (v.3) symbolisant l’Eucharistie, signe de la Nouvelle Alliance. Le festin céleste se trouve ici confirmé puisque l’épouse (Israël, la vierge Marie, l’Eglise) n’a plus à ôter ses sandales (v.2) car elle partage la condition même de Dieu, immaculée bien que nubile (vv.4 et 7).
Imbue et ivre de l’amour de Dieu à la manière de la passion amoureuse d’un jeune époux (Osé 1, 2; Ephésiens 5, 25-29+32), la Bien-Aimée renchérit avec des propos suaves pour professer son attachement, puis témoigner de sa fidélité envers son Bien-Aimé. N’est-ce pas ce qu’Israël a toujours fait montre dans l’Ancien Testament quand il «revient à son premier amour», autrement dit quand il (re-) tourne son cœur vers Yahvé? N’est-ce pas aussi le témoignage de l’Eglise envers le Christ, témoignage dont l’archétype est Marie mère de Dieu?
Le chapitre 7 de Cantique des cantiques, révèle à travers un double panégyrique la relation, vivante et intime, de réciprocité entre Dieu le Bien-Aimé et l’humanité croyante. Dieu plein de tendresse, et fidèle de nature, irradie sa créature par son amour pour provoquer en elle le même élan en le rendant presque semblable à lui, c’est-à-dire capable d’amitié, de fidélité et de communion avec Dieu en parole et en action. C’est donc une sorte de théophanie, de manifestation de Dieu qui met en évidence de façon allégorique l’immanence ou la proximité divine rendue plus lisible avec l’incarnation du Verbe divin, l’Emmanuel. Et, ce chapitre conforte tout de même l’anthropologie chrétienne à la base de la théologie du mariage qui stipule que l’union conjugale concerne un homme et une femme (Catéchisme de l’Eglise Catholique n°1601 et 1604), contrairement aux nouvelles théories du gender qui frisent la perversion et font affront à Dieu et au bon sens.

Aubin BANZOUZI