Le Carême est un temps de préparation aux fêtes pascales. Dans les premiers siècles de l’Eglise, il était marqué par l’ultime préparation des catéchumènes au baptême. Mais depuis le Ve siècle, il s’est vu être considéré comme le temps par excellence de quarante jours de pénitence et de renouvellement pour toute l’Eglise, avec la pratique du jeûne et de l’abstinence.
Il faut aussi rappeler que ce temps fort de l’Eglise débute le «Mercredi des cendres». C’est une célébration qui traduit, non seulement la reconnaissance de la fragilité et de la condition mortelle de l’homme, mais aussi, son désir de se tourner vers la miséricorde de Dieu en vue du salut. On pourrait se demander pourquoi un mercredi alors que la plupart des temps forts de l’Eglise débutent le dimanche. De fait, dans ce décompte des quarante jours du temps de Carême, les dimanches sont «exclus», car le dimanche est le jour où l’Eglise célèbre solennellement la «Résurrection de Jésus». C’est ce qui explique le choix du Mercredi des cendres pour marquer le début du temps de Carême.
En effet, le Carême est un temps de mutation du vieil homme au nouvel homme. Cette nouveauté n’est pas liée à l’Etre de l’homme, mais à la manière dont il vit sa foi dans la société. Il s’agit pour lui de se préparer conséquemment à la passion-mort et résurrection du Christ, gage de notre salut. Dans ces conditions, le Carême favorise notre proximité à Dieu par les moyens essentiels que l’Eglise nous recommande: la Prière, le Jeûne et l’Aumône (Mt 6,1-6). Ce n’est nullement un temps de mortification extrême au point de se détruire, mais d’un élan de cœur à donner, à pardonner et à aimer. Ce n’est pas non plus un temps de prière acharnée, mais d’attention vive et fervente. C’est le temps du vécu, d’un amour sincère, de résolutions franches et d’un désir constant de Dieu. Le Christ nous appelle à découvrir le sens de la rencontre, pour être chacun le messie de l’autre. Par sa passion et par sa croix, Jésus va exprimer l’immensité de son Amour pour son père et pour nous (Jn 14, 31). En Jésus, s’opère en fait la percée vers l’homme nouveau. En lui commence le propre avenir de l’homme, ce qu’il n’est pas encore, ce qu’il peut devenir, et ce qu’il doit devenir. Nous contemplons dans ce mystère l’humilité de la grandeur et la grandeur de l’humilité.
Par ailleurs, nous pouvons constater que ce Carême tombe à point nommé dans une société en perte de valeurs et de ses racines sûres. Elle semble être insensible à la souffrance du pauvre, de l’étranger, de la veuve et de l’orphelin, du retraité sans pension, de l’étudiant sans bourse, du malade sans assistance, etc. Comment vivre le carême dans un contexte social si ardu? Peut-on encore légitimer la dignité et la sacralité de la vie aujourd’hui? Ainsi, ce temps invite tout chrétien à promouvoir la Vie, à la donner et à l’enjoliver. Le faire, c’est poursuivre l’œuvre créatrice voulue par le Père et réalisée par le Fils dans l’Esprit Saint. Tout homme peut être le messie de l’autre, dans la mesure où il prend soin de ce dernier. A l’instar de Jésus souffrant, le Carême nous enseigne que la souffrance est une face intérieure de l’amour; elle est un exode et fait partie de la condition humaine. Par conséquent, celui qui veut réellement éradiquer la souffrance, doit inévitablement éliminer l’amour. Car, il n’y a pas d’amour sans souffrance, puisque l’amour inclut toujours une part d’abnégation. Que ce carême nous ouvre pleinement à l’amour vrai et au sacrement du frère à servir en premier!

Guelor ONGOKA
Séminariste en 4e année de théologie au Grand Séminaire Cardinal Emile Biayenda.