La prière est un acte de foi par lequel l’homme s’adresse à Dieu, pour lui exprimer sa gratitude et ses supplications, le louer et l’adorer. De ce fait, il sied de signaler que toute prière, pourvu qu’elle soit fondée sur une foi solide, c’est-à-dire dans un élan de cœur requis, Dieu l’écoute et l’exauce selon sa sagesse , bien entendu. Cependant, n’oublions pas que «la prière ne se réduit pas au jaillissement spontané d’une impulsion intérieure (…) Il faut aussi apprendre à prier.»1 C’est dans ce sens que le Seigneur Jésus dans son enseignement, a appris à ses disciples une formule particulière, pour signifier la communion de tous les enfants de Dieu, puisque nous sommes issus d’un même Père. D’autant plus que «dans la nouvelle Alliance, la prière est la relation des enfants de Dieu avec leur Père infiniment bon.»² C’est ainsi que nous avons la prière du Pater que nous retrouvons dans les Evangiles de Matthieu et de Luc.

En effet, rappelons que l’Evangile de Matthieu, dans la section du sermon sur la montagne, (Mt 6, 5-13)3, nous décrit le contexte dans lequel Jésus prend l’initiative de montrer à ses disciples la manière humble, simple et confiante de s’adresser au Père avec un élan du cœur totalement plein de componction, bien qu’ils connaissaient déjà la prière à la manière de l’Ancienne Alliance.
Saint Luc de son côté, plonge dans une réalité pendant laquelle un des disciples de Jésus demande au maître de leur apprendre à prier à l’instar de ce que Jean Baptiste avait fait pour les siens (Lc 11, 1). C’est en réponse à cette demande, que Jésus prend le soin de leur communiquer un modèle digne d’adresser ses suppliques au Père. (Lc 11,2-4).
Par ailleurs, il convient de signaler que dans la prière du Pater, Matthieu présente une version beaucoup plus développée en sept demandes, que la Tradition liturgique a retenue:
«Notre Père qui es dans les cieux, que ton Nom soit sanctifié, que ton Règne vienne, que ta Volonté soit faite sur la terre comme au ciel. Donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien. Remets-nous nos dettes comme nous-même avons remis à nos débiteurs. Et ne nous laisse pas enter en tentation; mais délivre-nous du mauvais. (Mt 6,9-13)»
Luc quant à lui, n’en mentionne que cinq: «Père, que ton Nom soit sanctifié; Que ton règne vienne; Donne-nous chaque jour notre pain quotidien; Et remets-nous nos péchés, car nous-même remettons à quiconque nous doit; Et ne nous laisse pas entrer en tentation» (Luc 11, 2-4).
Le caractère sublime de cette prière montre que c’est une prière simple, mais riche de sens. Jésus nous met à l’abri de la tentation de faire des prières des bouts de lèvres qui ne touchent guère les profondeurs du cœur. Par conséquent, l’expérience faite est que l’usage de cette prière, la seule que Jésus avait enseignée à ses disciples et que tout le monde connaît est bafoué, donnant l’impression à la routine, à une récitation machinale. En d’autres termes, les chrétiens ayant pris l’habitude de dire cette prière jusqu’à la garder en tête, ignorent de plus en plus son sens et sa pesanteur.
Ainsi, dans un court métrage vu sur WhatsApp, à titre illustratif, nous avons le modèle de l’usage incertain et aléatoire que font les chrétiens de cette prière. Voici la scène :
Un orant se mit à prier en disant : Notre père qui es aux cieux. Soudain une voix venue du Ciel répliqua : Oui L’orant stupéfait dit : Que se passe-t-il ? Cette voix réagit : Tu m’as appelé ? A l’orant de dire : non je ne t’ai pas appelé mais je prie. Il se mit à continuer sa prière : Notre père qui es aux cieux. Cette même voix dit : Tu viens de le faire encore. Et l’orant se questionnait : Mais qu’est-ce que j’ai fait ? Et la voix dévoila son nom en déclarant : Tu viens de dire notre père qui es aux Cieux, eh bien me voici, c’est moi ton Dieu ! A quoi penses-tu finalement? Continue alors ta prière. L’orant repris : que ton Nom soit sanctifié, A Dieu de demander : Que veux-tu dire par là ? L’orant répondit : Je ne sais pas ! Ça fait juste partie de la prière c’est tout. Dieu lui dit : Mon nom est différent des autres noms. Mon nom est Je Suis ; cela ne te dit rien ?
A l’orant de répondre : Si, je ne savais pas que c’est vraiment Toi qui es là. Alors Poursuit mon fils, dit le Seigneur. L’orant: Que ton Règne vienne, que ta Volonté soit faite sur la terre comme au ciel. Dieu lui demande encore: Que fais-tu pour que mon règne vienne? L’orant répliqua : Rien, mais tous les jours je vais à l’Eglise. Dieu lui rétorqua : Comment veux-tu que ma volonté soit faite si ceux qui la demandent ne commencent (pas) par l’accomplir? L’orant : Tu sais que j’ai des problèmes. Dieu : Oui je sais ; continue ta prière. L’orant: Donne-nous aujourd’hui notre pain quotidien. Dieu lui questionna encore : Me fais-tu confiance ? Il répond : Oui ! A ce moment Dieu se mit à l’instruire en ces termes : Prier est un acte dangereux il faut consacrer son for intérieur pour être en communion avec moi, afin de recevoir ce dont on a besoin. Mais tu n’as pas fini, continue. L’orant reprit : Remets-nous nos dettes comme nous-même avons remis à nos débiteurs. A ces mots, Dieu lui fit ce rappel : tu penses à Christophe? L’orant tout fougueux répliqua : Ah non Seigneur ! Celui-là m’a fait beaucoup trop de mal et j’ai juré de me venger. A Dieu de dire : Et ta prière, qu’en fais-tu? Il dit carrément : Ça, c’est une question d’habitude c’est tout. Dieu : Eh bien tu es franc au moins, mais ce n’est pas facile de porter la haine en soi n’est-ce pas ?
L’orant : Non ! Ce n’est pas facile, mais une fois que je me serais vengé ; j’irai beaucoup mieux. En tout cas je ne peux pas lui pardonner. Dieu dit : Pas du tout ; tu es déjà triste, mais moi, je peux changer tout ça. Pardonne à Christophe comme un jour moi, je t’ai pardonné. Souviens-toi de ce que tu viens de dire dans ta prière. Quelque minute après il dit : je vais essayer. L’orant achève alors sa prière avec peine : Et ne nous laisse pas enter en tentation ; mais délivre-nous du mauvais. Dieu lui fait finalement cette assurance : C’est ce que je ferai mais toi, éloigne-toi du mal ; apprends à vivre dans mon amour, et que la grâce et la paix t’accompagnent.
Dans ce dialogue entre le chrétien et Dieu, nous découvrons qu’au départ il y a une considération légère de la prière de Notre Père, ce qui est non moins remarquable du point de vue général. Nous faisons plus une prière des lèvres, et souvent dans la distraction que nous en perdons l’importance. Celui qui s’adresse à Dieu ici, il lui a fallu une certaine «épiphanie» pour s’apercevoir qu’il s’agit sérieusement d’une prière et non une répétition. Jésus n’aurait pas pris le temps d’enseigner à ses disciples une telle prière si elle n’est pas riche de sens, un modèle simple et profond. C’est d’ailleurs pour cette raison que la Tradition liturgique l’a retenue dans la prière par excellence de l’Eglise qu’est la célébration eucharistique. Nous oserons même dire que le «Notre Père» est l’unité de mesure ou le référentiel, ou encore le résumé de toutes les prières chrétiennes. Ainsi, toute intention de prière opposée à la logique du Pater n’est pas une prière chrétienne.
Florian Christ MIANTAMA
2e Année de Théologie
(Grand Séminaire Cardinal Emile Biayenda)