L’Eglise du Christ est défigurée. Elle est crucifiée et flagellée sur la place publique. Les scandales d’abus sexuels figurent au registre noir des blessures qu’elle a connues au cours de l’histoire et qu’elle ne cesse de connaître ces derniers temps. Ce phénomène bouleversant, qui touche même la hiérarchie de l’Eglise est médiatique, et ternit l’image de l’Eglise et surtout, comme le dit Benoît XVI, fait du sacerdoce un lieu de honte. Les révélations en France du rapport accablant du 5 octobre 2021 du CIASE portent à croire que ces cas n’ont toujours pas été pris au sérieux. Voilà pourquoi l’Eglise est accusée d’entretenir la culture du silence, pour camoufler ces méfaits, au bénéfice de sa bonne renommée et de celle des clercs. On parle d’une certaine discrétion vaticane.

Et pourtant, force est de reconnaître que l’Eglise s’est toujours préoccupée de ces cas, en édictant des normes dans son souci de prévenir et d’éradiquer les abus, c’est-à-dire de protéger du mal les fidèles du Seigneur dans l’observance du sixième commandement du décalogue.
Même dans la religion musulmane il y a l’interdiction de certaines pratiques (comme la fornication, l’homosexualité, la sodomie…) qui est bien sûr fonction de ce que disait le prophète.
Au sein de l’islam l’acte sexuel (ni qâh) qui est un avant-goût du paradis n’est pas seulement destiné à assurer la survie de l’espèce humaine. Mais ce plaisir considéré comme sain ne se fait pas avec n’importe qui, ni à n’importe quel moment. Les normes musulmanes ne sont pas ici notre préoccupation.
Nous nous proposons de faire une lecture en diagonale, à ce propos, des normes que l’Eglise se donne, pour affronter ces cas. Notre réflexion porte, par conséquent, sur deux points essentiels, à savoir: les délits d’abus sexuels et la législation ecclésiale sur les délits d’abus sexuels.
Un abus sexuel est «toute procuration de satisfaction sexuelle par un autre contre sa volonté ou grâce à l’ascendance dont il jouit. C’est toute contrainte (verbale, visuelle, ou psychologique) ou tout contact physique par lesquels une personne se sert d’un enfant, d’un adolescent ou d’un adulte en vue d’une stimulation sexuelle». Commis sous ces conditions, ces actes se révèlent injustes et, pour cela, répréhensibles, car pratiqués sur des êtres faibles, fragiles, en raison de leur âge ou de leur position sociale.
C’est la raison pour laquelle les délits d’abus sexuels sont aussi considérés comme des actes de violences sexuelles. Pour comprendre ce que signifie «délits d’abus sexuels», il faut se référer à l’article 4 des normes sur les délits les plus graves et à l’article 6 des nouvelles normes sur les délits les plus graves. Dans ce sens, les délits d’abus sexuels sont ceux commis par les clercs avec des mineurs de moins de 18 ans et sur les handicapés mentaux, que le droit équipare aux mineurs.
Entre également dans cette catégorie la pédopornographie, c’est-à-dire l’acquisition, la détention ou la divulgation, à une fin libidineuse, d’images pornographiques des mineurs de moins de 14 ans de la part d’un clerc, de quelque manière que ce soit et quel que soit l’instrument utilisé. Est également considéré comme abus sexuel, le délit de sollicitation d’un mineur, sanctionné par le canon 1387.
Ces délits d’abus sexuels sont: la pédophilie et la pédérastie, la pédopornographique, le viol, la fornication, le concubinage, la sodomie, la fellation, l’inceste, l’homosexualité. Commis sur les mineurs, ces délits doivent se comprendre en termes de pédophilie. Mais l’Eglise n’utilise pas ce terme. Nous parlons, donc, de ces abus sexuels commis par les clercs sur les mineurs et ceux qui leur sont équiparés en droit.
Considérant que les violences sexuelles contre les mineurs sont des délits réservés, le rôle de l’ordinaire ou de l’hiérarque se limite à l’enquête préliminaire, chaque fois qu’il vient à la connaissance, au moins vraisemblable, de ces délits, sauf si le dicastère pour la Doctrine de la foi ne s’attribue pas la cause en raison de circonstances particulières (Cf. art 16).
La Congrégation pour la Doctrine de la Foi a publié une lettre circulaire pour aider les Conférences épiscopales à établir les directives pour le traitement des cas d’abus sexuels commis par des clercs à l’égard des mineurs.
Cette lettre datant du 3 mai 2011 est publiée le 16 mai 2011. Elle avait été annoncée à l’occasion de la publication de nouvelles normes d’application du Motu Proprio. «Sacramentorum sanctitatis tutela». Elle est divisée en trois parties: les aspects généraux, le résumé succinct de la législation canonique en vigueur et les indications aux ordinaires sur la manière de procéder, laquelle a retenu notre attention.
Un point important, qui est à considérer comme une innovation importante par rapport aux normes précédentes, est celui de la coopération avec les autorités civiles. En voici la teneur: «l’abus sexuel de mineurs n’est pas seulement un délit au plan canonique. C’est aussi un crime qui fait l’objet de poursuites au plan civil. Bien que les rapports avec les autorités civiles diffèrent selon les pays, il est cependant important de coopérer avec elles dans le cadre des compétences respectives. En particulier, on suivra toujours les prescriptions des lois civiles, en ce qui concerne le fait de déférer les crimes aux autorités compétentes, sans porter atteinte au for interne sacramentel. Bien sûr, cette coopération, ne se limite pas aux seuls cas d’abus commis par les clercs; elle concerne également les cas d’abus impliquant le personnel religieux et laïc qui travaille dans les structures ecclésiales». Cette coopération se justifie par le fait qu’il s’agit d’un délit mixte.
Cette lettre circulaire représente, donc, un nouveau pas très important pour encourager dans toute l’Eglise la conscience de la nécessité et de l’urgence de répondre de la façon la plus efficace et clairvoyante au fléau d’abus sexuels commis par des membres du clergé, renouvelant ainsi la pleine crédibilité du témoignage et de la mission éducative de l’Eglise, et contribuant à créer dans la société en général ces environnements sûrs, dont il est urgemment besoin.
Une révision du Code de 1983 qui vise à équilibrer le rapport entre justice et miséricorde punira la pédocriminalité inscrite dans le droit de l’Eglise. Cette condamnation vaticane qui peut aller jusqu’au renvoi de l’Eglise entrera en vigueur en décembre 2021.
Pour terminer disons qu’avec la «dictature du relativisme», les délits d’abus sexuels commis par les clercs sur les mineurs entament sérieusement la crédibilité de l’Eglise. Les abus sexuels sur les mineurs sont des péchés de la chair, et comme on le sait, le péché mène à la crise de la foi qui s’accompagne toujours d’une crise morale. Les prêtres doivent respecter leurs engagements sacerdotaux, c’est-à-dire, répondre par la sainteté de leur vie à la mission prophétique de l’Eglise. L’Eglise a pour mission de protéger du mal les fidèles dans l’observance du sixième commandement, non seulement en prévenant les dangers de violation, mais aussi en sanctionnant les violations éventuelles.
Les dérapages ne sont-ils pas fruits d’une hyperbolisation de l’autorité du prêtre, un cléricalisme, une sacralisation excessive, une identification du prêtre au Christ dans tous les aspects de la vie?
Les laïcs ont-ils une place dans les sphères décisionnelles de l’Eglise? Ces normes suffisent-elles pour prévenir les délits d’abus sexuels?
Cette crise inadmissible, déficit du discernement vocationnel que rencontre ce synode sur la synodalité rendra certainement l’Eglise meilleure en nettoyant son visage. Cette convocation synodale est une chance à ne pas rater pour l’avenir de l’Eglise.

Abbé Christian Noël
DEMBI KOELA
Juriste et islamologue