Nous sommes un pays de rumeurs, nous le savons. Mais ces rumeurs occupent surtout l’espace libéré par le manque de communication fondée sur la véracité des faits. Même quand l’information émane du Gouvernement, la tendance générale est de la mettre en doute, au vu des kilomètres de couleuvres qu’on nous a fait avaler. Que ce soit sur l’aboutissement des négociations avec le FMI, la promesse d’une lutte féroce contre la corruption, l’amélioration de notre cadre macro-économique général, la promesse de puits de pétrole généreux au nord ou autre chose.
Nous avons perdu le souvenir des promesses et, donc, n’attendons pas qu’elles se réalisent. Nous ne nous faisons d’illusion ni sur les promesses en des lendemains qui chantent, ni sur la concrétisation de ce «vivre ensemble» qu’on nous sert en idéal et en mantra. Nous avons le même état d’esprit qu’au temps du parti unique où les slogans avaient valeur de commandement. Alors, nos enfants et nos jeunes étaient conditionnés à les réciter y compris aux examens d’Etat. Réussir un Bac en récitant que «le parti dirige l’Etat» est d’une originalité et d’une complexité intellectuelles!
Dans quelques mois nous entrerons dans une autre campagne électorale, usine à slogans pour des députés qui seront majoritairement issus de l’ancien parti unique. C’est comme si rien n’avait changé; que les partis politiques étaient plantés dans un décor de carton-pâte. Ils sont tellement inaudibles qu’on les dirait condescendants. Il leur est accordé tellement peu d’espace qu’on se croirait dans une foire aux marionnettes : main levée ou baissée, l’œil fixé sur la baguette. Au rythme du métronome réglé pour nous faire dire que, hier comme aujourd’hui, nous sommes en démocratie!
Nous espérons que les législatives de juillet prochain se passeront bien. Il n’y a pas de raison qu’il en aille autrement. La présidentielle des 17 et 21 mars derniers est encore dans nos têtes. Sa campagne s’est passée relativement calmement. N’eût été la surprenante mort du principal challenger, dans des conditions ouvertes aux interrogations et le surprenant score final, on aurait dit que nous avons battu campagne le plus normalement du monde. Et que, donc, en juillet prochain, forts de l’expérience acquise, nous nous rangerons avec sagesse aux vœux et aux projections.
C’est-à-dire que nous ne ferons pas attention aux vœux et aux promesses. Il y a des choses que nous sommes habitués à dire, les mêmes que nous sommes accoutumés à entendre. Il n’y en aura pas une seule qui fera bouger une quelconque ligne. Au point que les résultats attendus sont ceux programmés, avec juste ce qu’il faut d’élus de condescendance pour faire coloration locale. Il n’y a pas de mal à cela : les populations sont trop occupées à racler les fonds d’écuelle et à espérer des pensions. Majorité et opposition sont désormais interchangeables.

Albert S. MIANZOUKOUTA