Comme chaque année, le Dr Annick Berthe Hemse Mikolo, directrice de l’hôpital de référence de Makélékélé à Brazzaville, a patronné du 18 au 30 octobre 2021, la campagne de dépistage gratuit contre le cancer dénommée «Octobre rose», sur le thème: «Tous mobilisés contre le cancer». Elle a permis de consulter un échantillon de 150 femmes. Dans l’entretien ci-après, le Dr Bab Salam Ngouaka, cancérologue revient sur cette activité en sensibilisant le public sur ce fléau de santé publique. Selon les statistiques, au Congo, il y aurait environ 5000 cas de cancer par an.
* Quelles activités avez-vous mené Dr Bab Salam dans le cadre de cette campagne dénommée «Octobre rose»?
** ‘’Octobre rose’’ est un mois reconnu universellement par l’OMS et la Communauté internationale, consacré à la lutte contre le cancer. Il s’agit de mener des actions de prévention primaire et secondaire sur le dépistage. C’est une campagne qui a commencé aux Etats-Unis dans les années 1960 et qui est arrivée en France; c’est devenu une affaire universelle. En ce qui concerne le Congo, depuis que nous avons commencé à organiser les activités dans ce cadre, nous avons décidé d’inclure souvent deux cancers, les plus fréquents, que sont le cancer de sein et le cancer du col de l’utérus. Parce que ce sont des cancers qui ne surviennent pas du jour au lendemain. C’est pour cela que le dépistage à travers la campagne ‘’Octobre rose’’ est une bonne chose. Le dépistage est fait pour des personnes qui théoriquement ou apparemment ne sont pas malades. Elles arrivent et nous voyons si elles ont des signes parce que le cancer pendant longtemps évolue sans signe, de façon silencieuse.
La stratégie de ce dépistage surtout pour le cancer du col de l’utérus est qu’il passe par plusieurs étapes. Il y a des étapes qu’on appelle précancéreuses, qui précèdent l’arrivée du cancer. C’est ce qu’on appelle les dysplasies légères, dysplasies modérées, dysplasies sévères.
L’objectif du dépistage est non seulement de rechercher les lésions précancéreuses, mais aussi de découvrir les gens qui ont un cancer encore au stade précoce, au stade 1. La plupart de nos cancers ici au Congo on les découvre au stade 4, à la fin. Or à ce stade la guérison est pratiquement nulle.

* Peut-on guérir du cancer?
** Le cancer se guérit sauf que dans notre domaine la notion de guérison n’est pas la même que dans les autres spécialités. Chez nous quand on soigne un cancer, si on a fini toute la stratégie du traitement et qu’on constate qu’il n’y a plus rien, il faut surveiller le malade pendant cinq ans avant de confirmer que la personne est guérie. Pendant les cinq ans on se dit que la personne est en rémission complète, qu’elle n’a plus de signe de cancer ni sur le plan technique, ni sur le plan de l’imagerie, ni sur le plan sanguin, donc biologique. La guérison du cancer dépend du stade mais aussi de l’agressivité de chaque cancer. Tous les cancers ne sont pas pareils, il y a des cancers plus méchants que d’autres.

* A quoi sont dûs les cancers du sein et du col de l’utérus; pour le cas spécifique du Congo, et qu’est-ce qui expose les femmes à ces cancers?
** En parlant des causes, la plus connue c’est celle du cancer du col de l’utérus qui est dû à un microbe qui est un virus appelé HPV (Human papilloma virus: virus papillaire humain) qui ressemble à un papillon. En général ce microbe existe sur toute la terre et vit autour de nos appareils génitaux. Dès que vous avez le premier contact surtout chez les femmes, le virus rentre dans votre col et y reste pendant longtemps. Ce virus rentre dans votre génome (une cellule qui est au niveau du col), dans le matériel génétique, il le change et crée des perturbations, et cette cellule qui était normale devient finalement une cellule cancéreuse. Une cellule cancéreuse est une cellule qui se multiplie de façon désordonnée et finit par envahir votre organisme. Pour le cancer de sein, il n’y a pas une seule cause directe comme pour le cancer du col: on parle des facteurs qui favorisent l’arrivée du cancer. Il y a d’abord les facteurs internes à chaque organisme, à chaque individu et il y a les facteurs externes. Dans les facteurs internes il y a des facteurs génétiques (des familles à cancer), des facteurs hormonaux, des facteurs immunitaires. A côté des facteurs internes il y a des facteurs externes qui commencent par l’exposition à certains facteurs cancérigènes: le tabagisme, l’alcool, les habitudes alimentaires: la malbouffe. Mais aussi des entreprises qui émettent des produits toxiques.

Propos recueillis par
Aristide Ghislain NGOUMA