Celui par qui tout a été fait, entre dans ce qui a été fait par lui, pour le sauver, le déifier et le christiformiser. C’est tout le sens du mystère que nous nous préparons à célébrer (la Nativité de notre Seigneur). L’Avent, nous le savons, vient du latin Adventus qui veut dire arrivée, venue. C’est un temps qui débute quatre dimanche avant Noël. C’est une réponse immanente et efficace de l’amour de Dieu pour l’humanité. Dieu s’abaisse, il se fait petit pour que l’homme ait la vie en plénitude.
En effet, l’événement de cet avènement nous plonge dans l’espérance d’une triple attente: l’attente du peuple juif de la venue du Messie attendu depuis le péché originel; l’accueil du Règne du Christ dans l’aujourd’hui de nos vies et l’attente de l’avènement du Christ parmi les hommes à la fin des temps. C’est un temps de mutation du vieil homme au nouvel homme. Cette nouveauté n’est pas liée à l’Etre de l’homme, mais à la manière dont il vit sa foi dans la société. A l’image de Marie (Lc 1-26), durant la période de l’Avent, c’est chaque chrétien qui est en gestation de Dieu. Mieux encore, nous devenons comme enceintes de Dieu. Alors, il faut bien mettre au monde le petit Jésus. Ainsi, si accoucher, c’est aussi donner la vie, alors comment donner vie à celui par qui et avec qui nous avons la vie? C’est bien évidemment en étant artisan et ambassadeur de la Vérité, de la justice, de l’unité et de l’amour. C’est pourquoi, lorsque le chrétien se détourne de cette fonctionnalité, il avorte Jésus. Ce serait là une atteinte à la déité.
Le temps de l’Avent vient redonner la parole à ceux qui l’avaient perdu, désormais avec Jésus, ils pourront dire Dieu au monde, promouvoir la Vie, la donner et l’enjôler. C’est un temps qui vient juguler les racines de la peur et de l’hypocrisie, afin d’aimer ce que Dieu fait et de faire ce que Dieu veut. L’Incarnation est à cet effet, une invite à simplifier sa vie à l’image du nouveau-né. C’est l’oubli de soi véritable. «Le Fils de l’Homme qui nait d’une naissance éternelle a voulu naitre d’une naissance temporelle, en entrant dans le mouvement de notre histoire, en s’insérant dans notre race humaine»1. Par cet acte, le Christ enseigne à tout disciple de se donner en se donnant. On peut alors comprendre que l’Avent est un temps d’engagement définitif et de résolutions franches. Celui qui existe et préexiste de toute éternité entre dans le temps et l’espace pour sauver de façon définitive et participative l’homme. Car: «l’homme est un exprimé de Dieu. il est un dit (…), il est une parabole de Dieu, une métaphore dont la signification se trouve en Jésus Christ Parole Incarnée du Père»2. Force est donc de ratifier que l’Avent nous place au cœur même de l’amour créateur et rédempteur de Dieu.
«Dieu a tant aimé le monde qu’il nous a donné son Fils Unique» Jn 3,16. Par le péché originel, la nature humaine s’est trouvée disjonctée de la communion avec la nature divine. «Par l’Incarnation, la personne du Fils unit sans les confondre, la nature humaine et la nature divine, pour les réconcilier en Lui. Déjà, dans l’Incarnation le Salut est inscrit»3.
A travers ce temps de l’Avent, l’Eglise donne la possibilité à chaque croyant de jauger la qualité, mieux le niveau de sa marche avec le Seigneur. Par la venue de Jésus dans notre histoire, s’opère en fait la percée vers l’homme nouveau. En lui commence le propre avenir de l’homme, ce qu’il n’est pas encore, ce qu’il peut devenir, et ce qu’il doit devenir. En clair, c’est la divinité qui sauve et délivre l’humanité. Et Jésus se présente par ce mystère que nous allons célébrer et que nous célébrons déjà, comme la synthèse de notre humanité. Il vient dans sa création pour la faire entrer en Lui en vue de la filiation avec le Père dans l’Esprit Saint. Avec la venue de Jésus, il y a une sorte de brisure du temps le verbe s’est fait chair (1 Jn 4), puisque l’éternité n’a ni protos ni eschatos. Car l’éternité ne vient que de façon perpendiculaire. «Christ, entre dans le temps, pour sauver l’homme, afin de le sortir du temps (Royaume Eternel)»4
L’Avent est donc ce temps d’espérance et de désir de Dieu. Il nous situe dans l’entre-deux de l’attente et de l’amour fervent, afin de donner Dieu au monde. Ce n’est nullement un moment de tristesse, même si la couleur violète semble nous en donner l’impression. Ce n’est pas non plus un temps de prière acharnée, mais d’attention vive et fervente. C’est le temps du vécu d’un amour sincère, et d’un désir constant de Dieu. Dieu vient dans l’histoire humaine pour sauver l’homme de sa propre histoire pécheresse; il prend ce qui est nôtre pour nous donner ce qui est sien. C’est un mystère d’amour indéfectible. Nous contemplons dans ce mystère l’humilité du Fils dans la grandeur du Père, et la grandeur du Père dans l’humilité du Fils. Que ce Christ qui vient sacramentaliser l’œuvre Créatrice et Rédemptrice, et que l’événement de son avènement raviver notre foi, la consolider davantage, afin que notre témoignage participe à la donation de Dieu au monde.

Guelor Archange ONGOKA

Notes

1 Abbé Paul, le dessein de Dieu et les merveilles de son amour miséricordieux, paris, Téqui, 1997, p.170.
2 Claver Boundja et Mervy Monsoleil, le Verbe est venu en chair, Une théologie de l’Incarnation inculturée, Paris, l’Harmattan 2013, p.95.
3 Abbé Paul, Op. Cit. p.170.
4 Claver Boundja, Cours de Théologie Fondamentale.