Depuis quelques semaines, la presse internationale nous donne à suivre un feuilleton des plus croustillants. Dénommé «Congo hold-up», il raconte par le menu les embrouilles de l’ancien régime de République démocratique du Congo qui aurait siphonné des millions de dollars des caisses publiques. Du vrai art, parait-il ! Et pour nous le donner avec toute sa saveur des tropiques, ce scandale de détournements géants nous est livré par épisodes. On en redemande !
Nous excellons dans l’exercice de voir un boxeur cogner sur le voisin, l’accuser des pires avanies en nous disant que de telles excentricités n’arriveraient pas chez nous ! Comment peut-on vider sa Banque centrale et prétendre se mettre au service de son peuple, scandaleux ! Il fut un temps, dans ce Congo-là, où le slogan à la mode du parti unique était: «Servir et non se servir». Mon œil ! Nos cousins eux-mêmes, qui récitaient cela sous forme de mantra, ne le faisaient qu’avec le sourire en coin.
Donc, un ancien Chef d’Etat s’est constitué de quoi se ménager des jours tranquilles pour la fin de ses jours. On aura beau brailler, protester contre des élections pas trop régulières, il regardera faire de son salon, ou enverra ses proches se mêler à la cohue des protestataires. Ceux-ci critiqueront un Programme des 100 jours avorté, et se garderont bien de préciser qu’au coin du réchaud chez eux, le soir, mijotera un bout de gigot obtenu avec le fruit des rapines décriées !
Chez nous, tant qu’on ne parle pas de nous, nous ne nous sentons pas concernés. Toutes les proclamations et les versions de panafricanisme idéologique font bien dans les intitulés, mais la vérité, quand elle est étrangère à nous, ou n’est séparée de nous que de 15 minutes de canot, ne nous fera que hausser les épaules. Cela n’est pas le pire, qui est que nous sommes affligés d’une amorphie identique, même quand les faits concernent des gens bien de chez nous. On ne vole pas qu’à l’étranger, nous rappellent à coups de cloches, de vuvuzelas et de couvercles de marmites les retraités et déflatés de plusieurs secteurs.
Et puis, on s’aperçoit brusquement que le Congo dont on parle est un pays frère. Que le far-West qui y est décrit a quelque chose de familier par rapport à des vérités chuchotées sur nous. Par nous. De l’air de dire et de ne pas dire: «Il paraît que l’équipe des hackers qui ont opéré un véritable casse à la Banque postale était dirigée par un des nôtres?» Et nous faisons les étonnés: «Mais comment est-ce possible? Ce pays est vraiment fichu ! »
Non, le Congo n’est pas fichu. Mais au fur et à mesure que passe le temps, nous nous découvrons étrangers à nous-mêmes. Nos scandales, énormes ou non, ne nous émeuvent plus, alors les scandales des autres ! Autour de nous, il n’y a que des récits de détournements, de prévarications, de gabegies et d’impunités. La vie en devient monotone. Heureusement qu’en tournant un seul bouton de la télé, nous sommes servis en petites ou grandes sagas sur les télés des frères. Nous ne sommes pas seuls: réconfortant.
Albert S. MIANZOUKOUTA