L’apôtre Pierre vient de professer sa foi en Jésus: «Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant». Et Jésus, en confirmant que cette vérité lui a été révélée par Dieu le Père, lui confie une vocation sans égale: «Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise; et la puissance de la mort ne l’emportera pas sur elle».
Cette vocation est associée à une promise qui ne sera jamais annulée: Pierre donnera toujours à l’Eglise la certitude de sa foi, de son unité, de sa persévérance jusqu’à la fin des temps. Il n’y aura jamais une puissance, sur la terre ou dans les cieux, qui pourra détruire l’Eglise fondée sur Pierre.
Mais l’identité extraordinaire de sa vocation n’assure pas à Pierre qu’il ne puisse plus être tenté personnellement ou même tenter les autres. Pierre restera un homme comme les autres, avec ses faiblesses, ses talents, ses vertus, ses péchés. Il ne pourra jamais se sentir sûr de soi-même.
En effet, juste après avoir déclaré sa foi, Pierre devient occasion de chute pour le Seigneur lui-même. Et Jésus l’appelle Satan. Comment cela a-t-il pu arriver?
Pierre, dans sa générosité, a voulu proposer à Jésus le destin le meilleur qu’il pouvait penser pour lui. Pierre n’a pas pu imaginer que Jésus aurait dû accepter la souffrance, l’humiliation, la mort. Pour un instant, il s’est rebellé à l’humiliation de Jésus, il n’a pas pu le comprendre. Et alors, voilà le reproche fort et public que Jésus lui adresse immédiatement.
Pourquoi Pierre est tombé dans ce piège? Parce qu’il n’a pas encore renoncé à ses pensées. Il aime Jésus, il a une grande foi en Lui, mais il n’est pas encore arrivé à renoncer à lui-même complètement pour le suivre jusqu’à la fin. Et c’est justement cela que Jésus va lui enseigner à lui, aux autres apôtres, à nous tous: «Si quelqu’un veut marcher à ma suite, qu’il renonce à lui-même, qu’il prenne sa croix et qu’il me suive».
Aujourd’hui, nous sommes tous concernés par ces paroles de Jésus, qui nous appellent personnellement. Qu’est-ce que ces mots signifient pour chacun de nous? C’est comment que nous pouvons, concrètement, «renoncer à nous-mêmes»?
Pierre aurait dû renoncer «à ces pensées», et nous? Qu’est-ce que cela veut dire pour nous? Il n’est pas toujours facile d’identifier les pensées qui nous font rester au dehors de la volonté de Dieu, qui nous empêchent la liberté de suivre le Seigneur. Mais nous pouvons bien commencer à identifier les situations les plus graves, nos esclavages les plus évidents.
Nous renonçons alors à nous-mêmes en commençant par renoncer à la recherche du pouvoir, qui empêche l’homme de servir son prochain. Si on suit le but du pouvoir, on ne peut pas suivre le Christ, qui s’est fait plutôt serviteur de l’homme. Demandons-nous: dans quelles situations de ma vie, je cherche n’importe quelle forme de pouvoir? Dans la famille, dans la société, dans mon boulot, dans les rapports sociaux, avec les plus faibles, les plus démunis, les plus pauvres? Souvent nos sociétés sont asservies aux hommes et aux femmes qui ont soif de pouvoir et qui ne cherchent que leur intérêt, qui exploitent et gaspillent le bien public. Même dans l’Eglise on peut rechercher le pouvoir. Et cela le Seigneur ne le bénira jamais, il en demandera certainement compte.
La recherche du pouvoir est associée souvent à l’idolâtrie de l’argent, qui étouffe les économies des nations, des peuples, des familles, ainsi que l’espoir des jeunes dans l’avenir. Renoncer à soi-même signifie aussi renoncer à cette idolâtrie si dangereuse.
Renoncer à soi-même signifie encore lutter contre la vengeance, l’amertume, le ressentiment, la calomnie, la médisance, le bavardage. Etre artisans de paix, de compréhension, de justice.
La victoire sur nous-mêmes ne sera jamais achevée, il faudra continuer jusqu’à la fin par la force de la grâce de Dieu et la prière, avec le soutien maternel de la Vierge Marie. Mais aujourd’hui, avec l’apôtre Pierre, nous pouvons reprendre notre chemin à la suite de Jésus, avec confiance et humilité.

P. Francesco BRANCACCIO