Je m’appesantirai sur un texte permettant de cerner étroitement la politique nationale éclairée par le Professeur Jérôme Ollandet. Je me suis interrogé sur la volonté de l’auteur de limiter l’expérience du socialisme aux seuls mandats de Massamba Débat et Marien Ngouabi. D’autant que le livre édité en 2012, aurait pu intégrer la période des années 1980, au cours de laquelle le discours dans les médias publics vantait que «le Parti congolais du travail était le premier parti marxiste au pouvoir en Afrique, et son leader digne continuateur de l’œuvre de Marien Ngouabi».
Cette situation devait à n’en point douter, opérer l’investigation de ce parti.
Jérôme Ollandet avec une humeur corrosive traduit la distance qu’il entendait mettre avec ce système politique. Il écrit en effet «on apprenait aux écoliers à connaître les noms des nouveaux parents et ancêtres, comme Fidel Castro, Mao Tsé-toung, Lénine, Karl Marx, Kim Il-Sung. Le peuple congolais se fabriqua une autre histoire épique dont les auteurs n’étaient plus les seuls hommes du terroir, mais des héros lointains qui devraient servir «d’archétypes» P. 15 et 16. L’intellectuel que j’ai connu n’a jamais été embrigadé dans le militantisme d’alors. De mon point de vue, il n’y eut guère de rupture idéologique entre le régime de Massambat Débat et celui du Parti congolais du travail, le parti unique MNR dont les chefs se réclamèrent bien du socialisme.
Il est fort possible que le Professeur Jérôme Ollandet, n’entend pas se faire harakiri. Il évita par une fantastique feinte d’aborder l’action du chef du parti dont il fut un grand commis. Il fut en effet promu à des hautes charges de l’Etat, Secrétaire général du ministère des Affaires étrangères, et plusieurs fois ambassadeur.
Il avance de ce point par ailleurs une analyse discutable sur le régime de Massamba Débat.

Le régime de Massamba Débat ne fut pas celui des protestants

Pour lui, la Révolution issue des émeutes du 13, 14 et 15 août, fut pilotée par une bande de protestants. Et c’est ainsi qu’il croit justifier son opposition à l’Eglise catholique, dont le personnage principal fut l’Abbé Louis Badila, directeur du journal La Semaine Africaine qui connut la prison pour ses prises de position anticommunistes.
Il cite entre autre acteurs Massamba Débat, Pascal Lissouba, André Hombessa, Martin Mbéri, y compris Noumazalayi, salutiste assimilé protestant.
C’est un malheureux raccourci, car Jérôme Ollandet semble oublier le travail d’endoctrinement des jeunes et autres militants menés par des révolutionnaires tels Abdoulaye Yerodia, Ossendé Afana, Dacosta, Noumazalayi, Claude Ernest Ndalla, Wougly Massaga. Ils animèrent des conférences tous les dimanches au ministère de l’information, et les cours de formation à l’institut de formation idéologique (IFI) installé sur le site du Syndicat Chrétien Panafricain du Djoué. Ces conférenciers distillèrent les rudiments des connaissances sur le matérialisme historique, la doctrine sociale de l’Eglise. Cette dernière fut présentée comme le fondement même de la défense du capitalisme et de l’impérialisme.
A ces tribunes, la religion «opium du peuple», faisait bonne recette et les jeunes désertèrent les temples et églises pour écouter un nouvel évangile. Or donc Louis Badila eut raison de s’opposer à la pensée communiste en vogue, dont le carburant allumait l’effronterie des enfants envers leurs propres parents.
Ses éditoriaux au vitriol ne s’attaquèrent pas à la religion protestante qui connut de son côté la désaffection de ses fidèles également.
J’estime cet argument d’omniprésence des protestants fort fragile. L’initiative d’arrimer les organes des jeunes, des femmes aux basques du parti unique, tout comme les syndicats n’avait pas les faveurs de l’abbé journaliste.

Pour les seuls anciens étudiants rentrés de France

Abordant la légitimité des personnels politiques crapahutant vers les sommets des administrations et institutions du pouvoir, le professeur insiste sur le profil des politiques congolais sortis pour l’essentiel des universités françaises, anciens militants de l’AEC et de la FEANF ou PAI.
Le Professeur n’est pas censé ignorer que les régimes successifs du parti unique, pour formater les cadres dépêchèrent des centaines de bacheliers en RDA, Roumanie, ou en URSS, pour fabriquer des cadres «experts et rouges». Ils furent ainsi formés aux sources marxistes. Un département fut créé dans les Forces Armées tenu par un membre du comité central pour animer les cellules dans les unités. Et l’on prit la décision de radier des rangs de l’armée des officiers jugés trop tièdes dans l’engagement militant. Les plus chanceux furent envoyés à Cuba pour prendre «des bains idéologiques» des mois durant.
Le Professeur Ollandet malheureusement en reconnaissant des choses blâmables de la Révolution avec ses milices comme dans les autres pays révolutionnaires du monde, ne fait pas des éloges de l’expérience du socialisme au Congo, il s’en moque.
«Jamais les Congolais en colonnes serrées devant les magasins et arrêts de bus. Elle ne rationna jamais, ni vêtement, encore moins la bière…. La danse et le foot, voilà deux drogues qui cimentèrent le substrat social plus solidement que n’importe quelle harangue politique aux religieuses» P. 16. Le Professeur souligne là une ambiance gaie de la Révolution socialiste. Il ne croit pas aux vertus du socialisme au Congo, en vérité !

Des équipes politiques inconstantes dans leurs positions

La vision politique du socialisme ou de la révolution était la rupture avec la France pour bâtir un monde nouveau.
Le Professeur Jérôme Ollandet révèle l’incohérence des positions du Premier ministre révolutionnaire Pascal Lissouba. Face à la rébellion des partisans du président Fulbert Youlou, le 08 février 1964 à Bacongo, Pascal Lissouba demanda à l’ambassadeur de France, de mater les rebelles par les unités françaises de la garnison.
Il n’y eut pas gain de cause. Un compagnie congolaise menée réduisit cette protestation bruyante dans les rues du côté du lycée Pierre Savorgnan de Brazza.

Erreur sur les classes sociales

Jérôme Ollandet met en lumière, les classes sociales. L’analyse des classes sociales faisant apparaitre deux classes antagoniques: les partisans de la Révolution et les ennemis de la Révolution.
Parmi les ennemis de la Révolution Jérôme Ollandet a cité à la bourgeoisie, et je crois qu’il s’est engage dans la maladresse.
Cette bourgeoisie sous sa plume revêt des formes caricaturales.
Et il écrivit en effet «c’était une personne possédant une habitation assez coquette, et une voiture, c’était cela l’ennemi du peuple» P. 125. L’anlyse de Jérôme ignorait l’analyse réelle que le MNR fit en 1965 et le PCT en 1971. Les textes s’attaquèrent à la bourgeoisie bureaucratique et non à la bourgeoisie telle nommée dans la littérature marxiste : car il n’existait point de bourgeois au Congo, gérant des banques, des industries qui produisaient et s’enrichissaient en occupant des situations prestigieuses dans les sociétés comme s’affairaient les occidentaux.
Le Professeur Ollandet nous fait découvrir «des hommes politiques comme de véritables bêtes politiques, habiles dans les intrigues, les manigances et complots se servant des syndicats, des jeunes, des militants sans résister à la chute piteuse, dans «une hygiène politique» P. 284.
Le Professeur Ollandet, à la mode d’un journaliste, passe en revue de grands évènements tragiques que connut le Congo: complots et meurtres avec parfois des maladresses et d’appréhension. Grâce à ses livres, le Professeur Ollandet ouvre des pistes de recherche pour les universitaires. Le Congo lui doit beaucoup de reconnaissance.

Lecas
ATONDI-MONMONDJO