Il y a une pandémie qui rôde, le découvrir maintenant serait un manque de sérieux. Tout comme de s’agacer de voir ce thème revenir très souvent dans nos colonnes. S’il va de soi que nous sommes dans un pays qui semble avoir fait preuve de résilience face au corona virus, il serait vain de s’en glorifier. Parce que, à l’étape actuelle de la maladie chez nous, il n’est pas bien clair si ce sont nos efforts qui payent, ou si c’est la Providence qui nous couvre de sa protectrice mansuétude.
Parce que nous faisons tout en dépit du bon sens, dans un contexte fortement marqué par le scepticisme des sachants eux-mêmes. Les réseaux sociaux nous abreuvent d’images et de déclarations pseudo-scientifiques sur la dangerosité des vaccins contre la pandémie. Et notre diaspora, qui souvent se montre rebelle aux modes et aux tendances, plonge allègrement dans l’infox et les théories complotistes de bas étage.
Peu importe: nous sommes face à une maladie mondiale, une pandémie, sur laquelle les connaissances scientifiques ne sont encore que parcellaires. Nous en savons plus cette semaine que nous n’en savions la semaine d’avant. Et ces lacunes guident l’attitude des décideurs occidentaux dont nous suivons toujours le mauvais exemple (jamais le bon !). Deuxième ou troisième vague? Deux tours de vaccin ou trois, ou un seul? Faut-il encourager les femmes enceintes à se faire vacciner? Et les enfants de 5 ans?
Ce ne sont pas seulement des questions objets de débats dans les athénées. Ce sont aussi des réponses, parfois désordonnées et parfois divergentes. Et avec elles des attitudes qui conduisent tantôt à parler d’une immunité collective, tantôt de la nécessité d’un passe sanitaire, de l’obligation préalable de se faire vacciner avant d’accéder à un territoire ou même à un service, ou une embauche.
Et chaque jour nous sommes inondés d’images violentes de contestataires au nom de la liberté de traiter son corps comme on veut. Une manifestante, infirmière de son état, affirmait l’autre jour depuis une file bruyante de manifestants: «Je ne suis pas contre la vaccination mais contre l’obligation de me faire vacciner». Il y a des contorsions sémantiques pas toujours évidentes, des positions à ne décrypter qu’avec l’Assimil de service à côté. Comme si l’obligation de se faire vacciner était nouvelle ou que la carte sanitaire n’était plus exigée aux aéroports !
Il est vrai que l’Occident nous a aussi habitués à des prises de position pas toujours faciles à comprendre: contre ou pour l’avortement, les unions entre gens du même sexe, sur l’euthanasie et d’autres thèmes en règle générale tabous en Afrique mais que nous sommes invités à considérer comme faisant partie des droits et libertés fondamentaux de la personne humaine. Pourquoi pas !
Mais ira-t-on jusqu’à invoquer la liberté contre la vaccination, sous le prétexte que la foule des opposants grossit ailleurs et que nous devons suivre? Chez nous, même la liberté de choisir se lie à une telle série de contradictions que le message des officiels nous arrive brouillé. Il faut continuer à observer les gestes barrières, mais nos marchés domaniaux ne sont toujours pas désinfectés. Les devantures des administrations n’ont toujours pas le fameux seau d’eau et le gel hydroalcoolique qui y étaient prépositionnés. Le masque se porte quand et comme on veut et quand la police sévit c’est avec une main lourde. Comme s’il fallait réprimer et pas éduquer.

Albert S. MIANZOUKOUTA