Tout se passe comme si nos Etats, dans une Afrique en recherche perpétuelle de son modèle de développement, n’avaient le choix qu’entre le pire et le pire. Comme si, toutes les théories bues sur le développement intégral, la démocratie pluraliste, les droits de l’homme, l’économie libérale, ne devaient nous ramener qu’au point de départ. Nous avons honni les coups d’Etat, l’accaparement des pouvoirs par les militaires, nous ne faisons qu’y recourir sans grande capacité à nous indigner.
Le scénario se met progressivement en place, mais le coup d’Etat au Burkina Faso semble compléter un puzzle de peuples fatigués de démocratie. Les militaires sont revenus au pouvoir, et la seule différence avec les fois d’avant est qu’ils sont applaudis par la rue. Pour l’instant. Le Président Roch Marc Christian Kaboré a été renversé et le Mouvement patriotique pour la sauvegarde et la restauration, le nouvel organe dirigeant, nous explique que le coup d’Etat était nécessaire. D’ailleurs, disent-ils, le pouvoir («l’ordre constitutionnel»), ils nous le rendront aussi vite que possible. Chiche !
Rassurant de voir quand-même que les choses se déroulent comme il est écrit au manuel: déposition du Chef de l’Etat en titre, apparition sur le petit écran des figures militaires qui vont marquer l‘histoire pour les 10 prochaines années, condamnations des organisations sous-régionales et même de l’ONU, un petit chouia d’embargo, puis indignations à minima ici ou là et tout va rentrer dans l’ordre. Le Tchad a présenté une légère différence dans ce schéma, avec la mort en avril dernier du maréchal Idriss Déby Itno. Le reste, sans changement.
Une fois décrit un paysage immuable de renversements des normes acceptées comme salvatrices par l’opinion, nous ne pouvons-nous empêcher de nous interroger. Les militaires sont-ils devenus les arbitres obligés de nos processus démocratiques? Si oui, quelle force les ramènera dans les casernes et leur imposera de regarder sagement les civils jouer à la politique? Au fond, l’avenir des processus démocratiques ou électoraux en Afrique passe-t-il par les militaires? Ceux-ci sont-ils les plus indignés par toutes les faillites dont nos pays sont accablés? Et cette force brandie pour écarter un Président, souvent librement élu, se fera-t-elle docile à rendre la politique aux professionnels? A quel prix?
Le Continent marche à l’envers. L’Afrique de l’Ouest a toujours été donnée en exemple des processus démocratiques aboutis, aujourd’hui elle suscite la perplexité: coups d’Etat au Mali (deux fois), en Guinée et maintenant au Burkina Faso. A l’inverse, l’Afrique Centrale qui a toujours été le cancre et le symbole des démocraties faillies, donne aujourd’hui l’image d’un ilot de stabilité. La question aux citoyens sera bientôt: préférez-vous être stables ou démocratiques? Et le treillis qui la posera aura en main un crayon ou quelque chose de pointu.

Albert S. MIANZOUKOUTA