Le père de l’indépendance de la RCA, Barthélémy Boganda rêvait de la création d’un grand Etat au centre de l’Afrique, succédant à l’Afrique équatoriale française (AEF) dont Bangui serait l’épicentre. Mais, alors qu’il était Président du Gouvernement centrafricain et député de l’Oubangui-Chari à l’Assemblée française, sa mort accidentelle le 29 mars 1959, a mis fin à ses desseins panafricains en Afrique centrale.

Le Gabon (ancien Moyen-Congo), le Congo Brazzaville et le Tchad ont été déclarés Etats indépendants et souverains en même temps que la RCA, ce qui faisait l’affaire de tous ceux qui désiraient exercer une parcelle d’autorité ainsi que de ceux qui ne voulaient pas d’un grand Etat viable au centre du continent. Le même processus a été utilisé pour détruire la Fédération du Mali qui regroupait le Sénégal et la République soudanaise, actuel Mali.
Ces quatre mini-Etats auxquels va se joindre plus tard le Cameroun forment donc aujourd’hui l’Afrique centrale francophone (ex-colonies françaises).
Chaque Etat a essayé de s’organiser tant bien que mal dans des difficultés économiques, politiques et sociales d’un nouvel Etat souverain dépourvu de moyens adéquats et qui affronte l’apprentissage de la gouvernance d’une entité nationale moderne. Mais tandis que le Cameroun atteignait l’autosuffisance alimentaire et une stabilité économique grâce au dynamisme de ses agriculteurs et de ses hommes d’affaires, le Gabon, et plus tard le Congo, comptaient sur leurs ressources pétrolières pour booster leurs économies. La RCA et le Tchad, englués dans des crises politiques ou des guerres civiles, faisaient figures de parents pauvres. Quand enfin le Tchad a rejoint le club pétrolier, la RCA est restée seule à la traîne et a sombré dans les crises politiques récurrentes.
Le sous-sol centrafricain n’est pourtant pas plus pauvre que celui de ses voisins. Mais comme des prédateurs qui sont attirés par l’odeur du sang, ses crises politiques et militaires attirèrent les ingérences des Etats voisins et celles des grandes puissances notamment l’ancienne puissance colonisatrice.
Depuis le coup d’Etat d’André Kolingba contre David Dacko, la main étrangère a toujours été présente pour attiser les contradictions internes en soutenant et en armant tantôt un leader, tantôt un autre, pour perturber le jeu politique. Certains pays voisins jouent aux puissances régionales protectrices au détriment de la stabilité de ce pays déclaré frère mais à qui on ne souhaite pas la paix, la stabilité et le développement.
En 1997, l’Afrique centrale, sous le patronage du Président Omar Bongo Ondimba du Gabon, a déployé une mission interafricaine de surveillance des Accords de Bangui (MISAB), dirigée par l’ancien Président Amadou Toumani Touré (ATT) avec des troupes sénégalaises, gabonaises, tchadiennes et des éléments togolais. Les Tchadiens ont dû se retirer car la population banguissoise ne les supportait pas. Il y a lieu de rappeler que selon la doctrine initiale du maintien de la paix telle qu’enseignée par l’Académie internationale de la paix (IPA), les pays voisins ne devraient pas faire partie des troupes de maintien de la paix à cause des interférences et des ingérences possibles, les mêmes peuples se trouvant de part et d’autre de la frontière.
Aujourd’hui encore, dans le cas de la MINUSCA, des troupes issues de pays voisins en font partie et il n’est pas rare qu’il y ait des frictions avec la population locale.
Tant que les pays voisins ne cesseront pas de s’ingérer dans les problèmes de la RCA, ces crises ne s’estomperont pas d’aussi tôt. C’est leur volonté de puissance et leurs ambitions qui rendent la RCA fragile d’autant plus qu’elle n’a pas encore les moyens de s’opposer à ces ingérences. Pire, elle dépend de ses «protecteurs» qualifiés parfois de pompiers pyromanes, dont elle est l’obligée.
Aujourd’hui, après avoir échoué à empêcher des élections que leurs poulains ne pouvaient remporter, la tentation était grande de susciter une rébellion. On aura beau déployer des missions de paix sous-régionale ou sous l’égide de l’ONU, rien n’y fera tant que des affairistes dépourvus de patriotisme et guidés par leur propre soif de pouvoir et l’appât du gain se mettront à la solde des puissances étrangères pour provoquer des troubles et détruire ce beau pays.

Guad Grégoire
LETOTOÏ