Les forces en présence

La guerre était inévitable et opposera les forces coloniales aux milices indigènes. L’armée coloniale mobilisa plus de deux cents militaires, entrainés disciplinés et payés pour faire la guerre (Page 90). Les européens encadrèrent donc des africains mercenaires. Cette armée disposait de porteurs de bagages et de vivres enrôlés certains de force ; surtout elle était équipée d’armes automatiques.

Des milices
Les pays mbochi, ngangulu et moye ne disposaient pas d’armée. Les gens mobilisés représentaient à peu près mille personnes qui attendaient l’ennemi dans leurs villages. Ces hommes disposaient d’armes à poing, à lame métallique, des arcs, des flèches, des boucliers. Ils avaient également des fusils de traite ou les fabriquaient en imitant les armes des blancs. Itoua-Ngaporo fournit à l’occasion les noms de grands forgerons des années1900. Les mbochi accordaient également une importance aux gris-gris, voire aux sacrifices humains.

Les opérations militaires
La première expédition militaire française visa Mbunze de Bélé le plus prestigieux des chefs mbochi. Il fallait le neutraliser lui et ses collaborateurs. Itoua-Ngaporo de façon méticuleuse retrace les itinéraires empruntés par les troupes françaises. Mbundze donna peu de crédit aux informations fournies par des femmes qui aperçurent des hommes en chéchia rouge portant des bagages, tout comme celui-là qui, échappé d’une attaque d’un village proche lui annonçant que les blancs étaient décidés à l’éliminer. Le capitaine Lados et Guyonnet bivouaquèrent dans les environs de Bélé avant l’attaque à l’aube. Mbunze sortit de son palais et fut abattu tout comme son griot Mbela Apendé, ce fut le 13 octobre 1911. Et ce fut un grand massacre entre 150 à 160 morts comme le confia le capitaine Lados au père Jean jean. Un fils de Mbunze fut capturé et conduit à la prison de Boka. L’armée brûla tout le village, pilla le trésor du chef et poursuivit les villageois dans les forêts tout en décimant les bêtes domestiques. Des chefs des environs se mobilisèrent mais certains, apprenant la chute de Bélé signèrent leur capitulation et acceptèrent de payer l’impôt.

La guerre au groupe de Mbaya
Les militaires français entreprirent de réduire après la résistance des chefs ngangulu de Mbaya (1911). Ils brûlèrent les villages sans mettre la main sur le chef Ngue-Mbon. Guyonnet et les militaires en voulaient particulièrement à ce groupe d’avoir attaqué des hommes du courrier et surtout d’avoir chassé Angier qui y tenait une factorerie. Un autre gérant Lievens avait été tué. Ses dents servirent de collier et son crane de vase pour boire du vin. Dans son rapport, Guyonnet nota avoir visité 119 villages mbochi et ngangulu. Itoua-Ngaporo recense les autres batailles en pays ngangulu et moye : village Mboma, village Mbobo, village Ibangui, village Gouambi, villages Mbangouoni, Assengué, village Lebia etc. Pour épargner des souffrances à ses citoyens Ngue-Mbon décida de se rendre le 11 novembre 1911, lui et son compagnon Ngaa-Lien. Les troupes françaises évoluèrent dans cet espace ngangulu, mbochi et moye jusqu’ en décembre 1911. La colonne revint à Gamboma le 28 décembre 1911.
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La troisième expédition militaire
Nga-Atsese avait travaillé à réunir les chefs et leurs terres d’Assoni. Son objectif était de venger Mbundze. Les français créèrent une circonscription militaire celle de l’Alima, englobant Gamboma, Diélé, Pombo, Boka. Ce fut la deuxième compagnie dépêchée depuis la Lobaye. Pour vaincre Nga- Atsése commandant quinze villages fort peuplés, le capitaine Fournier fut désigné pour diriger la deuxième compagnie. Nga- Atsese mobilisa les villageois et tenait des meetings tout en levant une milice de 500 personnes. En sus de Fournier, il y eut deux officiers blancs Lagarde et Barthe, en compagnie de deux sous-officiers noirs. Comme il fut difficile de coincer Nga Atsese, l’armée française brûlait les villages, assassinait femmes et hommes. Fournier s’empara de plusieurs personnes dont Nianga Ekaa, fils de Nga-Atsése refugié dans sa famille maternelle. Fournier fit des promesses, ne pas le tuer s’il se présentait et libérer ses trois enfants. Nga-Atsese conçut de signer un traité et dépêcha trois émissaires dont Nganongo Obi (Nga Aporo V) du village Elo, Ngatsé Ngumbo d’Ipunu et son neveu Nianga Mbosi du village Epaa. Itoua – Ngaporo livre la proposition de traité obtenu par la voix orale: «cessation des hostilités, reconnaissance de l’autonomie des terres, annulation de l’impôt (Page 132). Fournier rejeta ces propositions et annonça que lui et ses enfants seraient déportés au Tchad et traités comme des prisonniers politiques.

La reddition de Nga-Atsese
L’épuisement des populations, la famine, les pleurs des femmes eurent effet sur ce guerrier, qui finit par se présenter à Fournier sans se faire accompagner le 10 août 1913. Il fut jeté en prison à Pombo occupant la même cellule que son fils. Après cela, ce fut le grand chambardement dans la désorganisation des chefferies et la promotion des traitres comme Lesombo. Nga-Atsese fut libéré le 1er janvier 1914. Epuisé, il mourut peu de temps après son retour au village Epaa.

L’ordre colonial
La colonisation refit les terres et créa des cantons dans les pays mbochi, ngangulu et moye. Elle nomma des chefs auxquels elle fournit des uniformes, des galons et des salaires. Elle leur concéda une ristourne sur l’impôt perçu. Les postes administratifs changèrent. Le poste de Gamboma fut créé pour servir de base d’occupation de la partie nord de la région du bas Congo. On créa les postes d’Ossélé, Abala et Mabirou.

Des contraintes
Le pouvoir colonial instaura le portage un véritable enfer tout comme l’impôt de capitation et les prestations. L’enrôlement pour la première guerre mondiale et le CFCO fut imposé. Itoua-Ngaporo fournit les noms des personnes réquisitionnées pour le CFCO (Page 149). L’autre calamité fut la cueillette du caoutchouc.
Plaidoyer pour les résistants
Tel pourrait être la conclusion de cet ouvrage. L’auteur rend hommage aux héros de l’espace Alima-Nkéni et des autres résistants du Congo. Il constate que les pouvoirs publics ne font pas mention de cet héroïsme. De surcroit leur histoire est occultée. Il n’existe aucun monument pour rappeler à la conscience de tous les misères subies par les populations et leurs chefs défendant leur indépendance. Si l’auteur revient sur les grandes figures héroïques Mbunze, Nga-Atsese, Ngue-Mbon et Ngaa-Lien, il les met sur le même pied que d’autres combattants africains engagés dans l’indépendance en 1960. Il réclame une reconnaissance nationale pour eux ce qui pourrait être matérialisé par l’érection de monuments. Il rappelle à la mémoire de tous les autres résistants dont certains sont méconnus. Il exhume des noms de femmes héroïques ayant pris part au combat. On ne peut pas célébrer ces héros et aduler les colonisateurs soutient l’auteur. D’où l’intérêt de débaptiser les rues, les établissements scolaires et honorer ces personnalités. Sur la ville capitale Itoua – Ngaporo fait une proposition. Il y attribue le nom de Kimpila pour renouer avec l’authenticité. Itoua-Ngaporo a puisé aux archives coloniales aux rapports des colonisateurs ses informations. Il a pris langue avec des hommes mémoire des terroirs et produit un livre d’histoire qui comble le vide sur les résistances au Congo Brazzaville. Ce livre redonne un souffle de fierté aux lecteurs avec des accents patriotiques.

Lecas ATONDI-MONMONDJO