L’idée de la diversification de l’économie nationale n’est pas nouvelle en soi. Tous les plans de développement la mettent en bonne place, mais les résultats observés dans le temps restent encore perfectibles. Le contexte économique actuel dominé par les conséquences inattendues de la pandémie due à la cov19, nécessite une réflexion approfondie qui tienne compte de cette situation nouvelle et inédite.

A ce jour, l’économie nationale repose encore sur le «tout pétrole», car celui-ci contribue à plus de 75% du Produit Intérieur Brut national, et constitue à lui tout seul près de 80% des revenus d’exportations du pays. Cette grande dépendance vis-à-vis du pétrole, constitue probablement un risque majeur à moyen terme pour la structure de l’économie nationale. Les conséquences économiques peuvent s’avérer difficiles pour la prochaine décennie, si cette dépendance vis-à-vis du pétrole reste encore dans cet état.
En effet, actuellement, les 85% du pétrole produit sont exportés à l’état brut, seuls les 15% restants sont raffinés pour les besoins nationaux. Cela, par une raffinerie de taille très modeste ayant une capacité de raffinage d’environ 50.000 barils par jour, avec un faible taux de rendement en produits blancs, pour une production nationale totale de pétrole de près de 350.000 barils par jour.
Dans ces conditions, on ne peut parler de l’existence d’une réelle industrie du pétrole, car aucune transformation de celui-ci n’est faite localement. L’industrie pétrochimique demeure encore dans un état embryonnaire. Cette absence de valorisation locale de cette denrée importante, entraîne une perte non négligeable de retombées économiques supplémentaires possibles pour l’Etat.
Pourquoi peut-on parler de risque à court terme ?
Le pétrole qui est une denrée à forte volatilité de prix, représente actuellement une menace sérieuse pour la structure des économies qui en dépendent presque exclusivement. En effet, les conséquences financières sur les économies des pays producteurs de pétrole à forte dépendance vis-à-vis de celui-ci, peuvent facilement devenir importantes.
Ces dernières années, le prix du baril de Brent (pétrole de référence), a connu une chute drastique passant d’environ 110 dollars en 2014, à près de 30 dollars les années suivantes. Malgré une remontée substantielle observée des cours, l’occasion a été donnée il y a quelques mois d’assister à la vente aux Etats Unis d’Amérique du pétrole en dessous de zéro dollar le baril, cela pour éviter une situation de «full-Storage», due à la chute de la demande. En d’autres termes, cela veut dire que, les producteurs de pétrole ont cette fois-ci, payé les acheteurs potentiels, pour les aider à se débarrasser de leurs stocks invendus, faute d’installations de stockage. Cette situation inédite, créée par la pandémie due à la covid19, qui a entraîné la paralysie économique et industrielle des grands pays consommateurs de pétrole qui sont : la Chine, les Etats Unis d’Amérique et les Pays de l’Union Européenne, a réduit momentanément la demande. Cette réduction de la demande n’est malheureusement pas encore terminée.
La pandémie due à la covid19, qui continue de réduire les activités économiques et industrielles à travers le monde, montre la vulnérabilité de l’industrie pétrolière face à ce genre d’événements. En effet, la fermeture des frontières, le confinement des populations partout à travers le monde, avec la réduction des activités économiques et industrielles, ont des conséquences directes sur la demande pétrolière.
A titre d’exemple, l’arrêt presque complet des activités de transport, surtout aérien, et d’autres secteurs grands consommateurs de produits pétroliers, a entraîné une baisse importante de la demande pétrolière et avec elle, l’effondrement des cours.
Malheureusement pour le pétrole, une pandémie à coronavirus ne demeure pas la seule menace avérée malgré ses conséquences immédiates. D’autres menaces importantes et surtout plus sournoises existent, parmi elles on peut citer :
-La prise de conscience de plus en plus croissante par l’humanité de l’impact des gaz à effet de serre, gaz généralement issus de la combustion des produits pétroliers, avec pour conséquence majeure le dérèglement climatique ;
-Le développement accéléré des énergies renouvelables au détriment des énergies fossiles, donc du pétrole ;
-L’accélération du développement de la voiture électrique ou à hydrogène ;
-La mise au point de façon accélérée du moteur à hydrogène pour l’aviation, avec sous peu, un impact très important sur la consommation du kérosène ;
-La pression croissante des écologistes et des sociétés civiles pour la suppression des emballages en plastic fabriqués à base du pétrole ;
– Les difficultés actuelles, d’entreprendre des activités pétrolières dans des zones dites protégées de plus en plus nombreuses à travers le monde.
-Le changement progressif du mode de consommation de produits alimentaires, avec une préférence pour les produits bios, et cela au détriment de l’utilisation des engrais chimiques issus des hydrocarbures.
Dans ce contexte de forte réduction probable de la demande, l’offre devrait encore malheureusement rester supérieure à celle-ci, car les capacités mondiales de production sont encore énormes, surtout avec la production en cours de développement du pétrole et du gaz de schistes. Pour cela, les prix ne devraient pas s’améliorer de façon très significative, sauf peut-être en cas de situation géopolitique grave impliquant des grands producteurs comme les Etats Unis, l’Arabie Saoudite, la Russie, la Chine ou l’Iran, etc.
Face à cette perspective, plusieurs grandes multinationales du secteur pétrolier ont déjà annoncé et amorcé leur mutation, car ne dit on pas qu’aujourd’hui c’est déjà demain. Actuellement, elles investissent massivement dans les énergies renouvelables dites propres, ainsi que dans le développement des batteries pour les voitures électriques etc. Elles anticipent ainsi entre autres, sur la baisse inéluctable de la consommation mondiale du pétrole. A cet effet, certains dirigeants de ces grandes sociétés pensent que le pic de la demande mondiale du pétrole est atteint ou va l’être sous peu. On devrait donc arriver à une pléthore de produits pétroliers faute de grands consommateurs.
Le changement de stratégie par les grandes multinationales, avec l’abandon progressif des activités pétrolières, pourrait se traduire à moyen terme, par une réduction considérable des investissements dans la recherche des hydrocarbures, avec pour conséquence, une diminution progressive du taux de renouvellement des réserves. Ce ralentissement de l’exploration entraîne de façon mécanique, une chute progressive mais sûre de la production, faute de nouvelles découvertes à mettre en exploitation. Cette phase d’exploration qui est souvent réalisée par les Majors, nécessite des moyens techniques et humains considérables, et avec elle, un risque financier très important. Elle n’est généralement pas faite par les petites sociétés indépendantes, qui sont plus aptes à reprendre l’exploitation des champs matures abandonnés par les multinationales.
Dans ce secteur de l’économie mondiale, l’exposition au risque prix est plus importante pour les pays petits producteurs. Ceux-ci ne peuvent que subir les fluctuations intempestives des cours du pétrole sans pouvoir les influencer. Cela est dû, à leur faible niveau de production qui n’affecte pas de façon significative l’offre mondiale. Les conséquences sur leurs revenus financiers sont immédiates, provoquant ainsi des difficultés importantes dans la fiabilité des budgets de ces Etats.
Devant le tableau qui se présente actuellement, il parait d’ores et déjà nécessaire, de sortir rapidement d’une économie basée sur le «TOUT PETROLE» car les mutations en cours dans le secteur pétrolier, affectent progressivement mais sûrement, l’utilisation des énergies fossiles, particulièrement le pétrole et le charbon.
Heureusement, face à cette situation, des solutions stratégiques d’anticipation économique sont possibles.