Une municipalisation de deuxième génération serait indispensable pour corriger toutes les défaillances constatées pendant douze ans, en prenant en compte toutes les préoccupations, afin de relancer une économie nationale agonisante.

La municipalisation accélérée a été, dans sa conception, une politique visant à faire bénéficier les départements d’un important programme d’investissement permettant de doter les villes en infrastructures urbaines de base nécessaires à leur développement socio-économique, à l’image des expériences passées des villages centres et des coopératives agricoles. Une démarche innovante et louable. Malheureusement, les milliards investis (450 milliards de francs CFA en moyenne par an et par département), 2004-2016, consommés au cours d’une année sans suite et sans évaluation, devenaient inefficaces au fur et à mesure qu’on passait d’un département à un autre.
Dans la mise en œuvre du programme de «municipalisation accélérée’’, les investissements ont été concentrés essentiellement au chef-lieu du département abritant la célébration de la fête de l’indépendance. Les mêmes infrastructures ont été importées dans tous les départements, alors que toute entité a des particularités qui ne sont pas semblables à une autre. Ils ont porté essentiellement sur la construction du palais présidentiel, de l’aéroport, du stade, du boulevard du défilé et des voiries urbaines du chef-lieu. Les infrastructures prévues dans les sous-préfectures n’ont pas été réalisées ou sont inachevées. Les exemples de chantiers inachevés sont devenus des légendes dans tout le pays. La construction des marchés dits modernes n’a pas été accompagnée d’une politique de développement par manque des pistes agricoles, d’incitation et de promotion des activités dans les domaines agricoles, de pêche et les activités mobilisant une forte intensité de main d’œuvre tels que l’artisanat, la récupération et le tourisme. Autre constat : ce sont les mêmes entreprises qui ont été reconduites dans les départements bénéficiaires de «la municipalisation accélérée», malgré les faiblesses et les insuffisances relevées de leurs prestations précédentes. Se limiter aux voiries urbaines du chef-lieu de la préfecture n’a pas résolu l’épineux problème de l’emploi et n’a pas non plus favorisé la promotion des initiatives privées, notamment locales. On a remarqué plutôt la cherté du coût de la vie, car des prix des denrées alimentaires avaient galopé.
Le bilan dressé permet de tirer quelques leçons au sujet du premier cycle de la municipalisation accélérée. Les investissements lourds de cette politique pouvaient beaucoup gagner en crédibilité s’ils avaient pu engendrer les effets d’entrainement et s’ils étaient réalisés ou étalés sur une période moyenne d’au moins 3 ans par exemple par département. Bien plus, ce genre d’investissements devaient faire l’objet chaque année d’une évaluation systématique et d’une analyse approfondie des résultats obtenus après chaque municipalisation en termes de nombre d’emplois créés, des activités qui se sont développées, des entreprises implantées. Toutes les infrastructures, mêmes réalisées dans chaque département, n’ont pas tenu compte du poids démographique ou du potentiel économique du département. Cela a fait que de nombreux ouvrages ont été sans emprise réelle sur les conditions économiques et sociales des Congolais.
Pour beaucoup, la municipalisation accélérée n’a pas permis le désenclavement souhaité de l’arrière-pays, notamment la jonction entre les districts et le chef-lieu de la préfecture. Les campagnes sont toujours vidées des jeunes, la force motrice qui devrait s’activer dans les activités agricoles, de pêche et bien d’autres, un des axes de la diversification économique.
Au regard de cette expérience, il revient aujourd’hui au Gouvernement de faire des études analytiques sectorielles sur la structuration et les spécificités des départements pour orienter, cette fois-ci, la municipalisation de la deuxième génération axée sur le développement.
Il s’agira de sélectionner les actions à entreprendre pour répondre aux besoins réels de développement du département. Cette municipalisation de deuxième génération doit permettre de: encourager la décentralisation et les programmes de développement local ; améliorer les services sociaux et les infrastructures de base au niveau décentralisé ; créer des écoles et des systèmes sanitaires modernes et équipés en ressources; mailler les sous-préfectures par des routes et des pistes agricoles pour encourager le développement des activités agricoles, l’élevage, la pêche et le tourisme ; créer les conditions d’émergence de grands marchés locaux ou régionaux, véritables lieux d’échanges et de vente des produits de l’agriculture, organiser les campagnes agricoles et les salons de l’alimentation pour une émulation des départements pour leurs spéculations agricoles ; réduire des inégalités entre les hommes et les femmes en milieu rural et améliorer les revenus des femmes rurales ; créer les conditions d’émergence des compétences locales ; aménager les sites touristiques dans les départements pour encourager le développement de l’industrie touristique, au regard du niveau élevé des investissements en infrastructures ; et créer les conditions pour maintenir les jeunes en campagne et les encourager à s’investir dans les travaux agricoles au lieu de les pousser d’aller vers les villes où ils deviennent oisifs avec tous les maux et les séquelles que cette catégorie de personnes occasionne dans la société.
Il est difficile par exemple de développer une agriculture moderne visant une grande production à base des projets, s’il y a absence d’une politique cohérente. Les quelques initiatives timides qui se réalisent dans le domaine agricole par les projets sont insuffisantes.
Beaucoup de lois ne sont pas aussi appliquées, par exemple la loi n° 19-2015 du 24 novembre 2015 réglementant l’exercice de la profession de commerçant en République du Congo. Son article 11 stipule que les commerces de détail à l’étalage, de fabrique de pains et de transport urbain ou routier sont exclusivement réservés aux commerçants de nationalité congolaise. Malheureusement, de nombreux étrangers se vautrent dans cet exercice de profession. Pourtant, il est un secteur d’absorption de chômage. Dans beaucoup de pays africains et de vielle démocratie, ce secteur reste réservé aux nationaux, pour éviter certains débordements qui peuvent surgir comme la falsification de la monnaie, les actes de banditisme et bien d’autres imprévus.

Philippe BANZ