Affirmer que l’économie congolaise est, pour l’essentiel, dépendante du pétrole, c’est énoncer un truisme. Dire que les finances publiques du Congo sont, actuellement, soumises à une cure de salubrité profonde, dans le cadre d’un processus de réformes hardies, c’est accomplir un devoir de vérité. En prenant appui sur le magistère de l’actuel ministre de l’économie et des finances, M. Jean-Baptiste ONDAYE, on est en droit de se demander : la visibilité de la diversification de l’économie nationale a-t-elle plus de chances d’être assurée ?

Les efforts de rationalisation de gestion de la trésorerie publique présentent-ils davantage de garanties de succès ?
Qu’on se le dise. Le cheminement vers la quête de meilleures performances dans la gouvernance économique et financière du Congo n’est pas une banale promenade de santé. D’entrée de jeu en décembre 2022, le ministre Jean Baptiste ONDAYE a enjoint ses collaborateurs de tenir la barre dans un environnement fait de quolibets, d’éternels insatisfaits, des esprits retors et de critiques fieffés. La voie pour atteindre l’autre rive était sinueuse. Il fallait fixer le chemin à emprunter pour y arriver. Ses orientations portaient sur l’obligation de performances et des résultats, formule améliorée de la gestion axée sur les résultats (GAR) dont il est l’inspirateur. Mais pas seulement. Il fallait lutter contre les anti-valeurs et les déviances de toute nature, la promotion de l’esprit d’équipe, la rétroaction, l’élaboration d’une feuille de route des activités à mener. Pouvait-il en être autrement ?
Bien que souvent opposés, les deux économistes les plus influents du XXe siècle John Maynard KEYNES et Milton Friedman ont inspiré conjointement les politiques économiques d’aujourd’hui. Ils dressent la même analyse c’est-à-dire penser l’économie comme interconnectée par des boucles de rétroaction. Leurs travaux sont caractérisés par l’étude approfondie du système économique au niveau macroéconomique, là où les néoclassiques se concentraient sur le comportement des agents économiques, c’est-à-dire le niveau microéconomique. Qu’importe, le tout c’était de bien identifier les défis. Pour notre pays, le Congo, ces défis ont pour noms : la mobilisation optimale des ressources, en vue du financement du Plan National de Développement (PND) 2022-2026 et du fonctionnement de l’Etat, le désendettement et la viabilisation de la dette publique, l’exécution du programme conclu avec le Fonds Monétaire International au titre de la facilité élargie de crédit 2022-2024, dont la sixième et dernière revue interviendra en janvier prochain, la rationalisation de la gouvernance économique et financière. Tous ces défis demeurent d’actualité. Pour annoncer de telles prétentions, il faut être sûr de son génie ! C’est pourquoi, en vue de trouver des réponses pertinentes pour relever ces défis, le ministère de l’économie et des finances s’est engagé dans une démarche participative vers plusieurs chantiers du changement.
Des innovations pour le chantier du changement
C’est dans ce cadre qu’ont été organisés des ateliers et autres réunions de mise en commun d’idées ayant abouti à une somme de convergences sur des innovations à introduire dans l’administration publique de l’économie et des finances. Ambition clairement affichée par le Ministère : ‘’devenir le vecteur de la performance économique et financier à l’horizon 2026’’ (sic).
Au nombre des innovations portées par ce vaste chantier du changement, figurent, en bonne place, la nécessité de procéder à ‘’ l’activation de l’intelligence économique et des études prospectives’’ par la direction générale de l’économie; la mise en place d’un collège des inspecteurs des finances ; au niveau du Trésor public, on peut noter : le retrait de la fonction de fondé de pouvoir. D’où le remplacement des trois fondés de pouvoir par un receveur général, un payeur général et un trésorier central ayant rang de directeurs généraux adjoints du Trésor ; l’affirmation des fonctions comptable et bancaire du Trésor.
Bref, un travail titanesque fait avec aplomb, sur la voie de la pensée dite keynésienne. Avec des convictions chevillées au corps, l’homme tient la corde. Dans tout cela il y a deux institutions qui sont incontournables : l’Etat et les banques, qui devaient être mis à contribution pour juguler la crise. L’histoire nous offre plusieurs exemples. Tenez! Déclenchée aux États-Unis en 2007-2008, la crise dite des «subprimes» trouvait son origine dans un excès d’endettement des particuliers. Du fait de l’interdépendance économique et financière entre les pays, par un effet domino, cette crise s’est rapidement propagée au monde entier. Qu’a-t-on fait ? Il fallait prendre des mesures courageuses mises en place par les gouvernements et les banques centrales pour contrer cette crise et éviter de nouvelles contagions.

Mise en place du PNOT

Et de fait, pendant un demi-siècle, cette recette a fait du chemin. Pour comprendre la genèse et la portée de cette œuvre, il faut remonter au début des années 1930. Le krach boursier du Jeudi noir d’octobre 1929 a déclenché une réaction en chaîne. L’onde de choc de la grande dépression américaine a atteint l’Europe au début des années 1930. La même recette qui règne sur toutes les économies des pays modernes a permis aux Etats de sortir de l’ornière.
De 2010 à 2014, économiquement le Congo était sur un nuage. C’était sans compter sur des fâcheux aléas. La chute drastique des cours de pétrole et ses effets néfastes sur le niveau des recettes budgétaires, la crise sanitaire de la pandémie à COVID 19 qui a accentué la situation déjà fragile des finances publiques suite à l’effet conjugué de l’arrêt des activités économiques et du coût budgétaire de la riposte, les perturbations des chaines d’approvisionnement au niveau mondial, la crise russo-ukrainienne qui a exacerbé les perturbations de chaines d’approvisionnement ainsi que les pressions inflationnistes.
Le ministère de l’économie et des finances n’a pas laissé faire. Il s’est lancé dans une autre alternative crédible, celle du marché des valeurs du trésor de la CEMAC. En effet, ce marché a été mis en place en 2011 au sein de la CEMAC. Il a permis de diversifier les sources de financement des Etats membres tout en offrant aux investisseurs un cadre sécurisé et structuré pour leurs placements. Devant la crise, c’est un saut quantitatif vers la culture du marché qui a sauvé beaucoup de pays en difficulté. Encore fallait-il y penser.
Malgré son entrée tardive sur ce marché des valeurs du trésor, le Congo en est un acteur clé grâce à un engagement dans un train de réformes qui traduisent sa volonté d’être un pays attractif et fiable pour les investisseurs.
En matière de gestion de la trésorerie, le Congo a mis en place avec succès, un Programme National d’Optimisation de la Trésorerie (PNOT). Celui-ci a notamment permis un allongement de la maturité moyenne de la dette sur le marché. Ce programme a également permis de lisser notre profil d’amortissement et d’atténuer la pression exercée sur la trésorerie par les besoins de refinancement. Cette opération fait du Congo un acteur crédible et engagé dans la gestion proactive de son portefeuille de dette.

En matière de suivi des relations avec les institutions financières internationales, les discussions avec le FMI en vue de la conclusion de la sixième et dernière revue du programme au titre de la facilité élargie de crédit sont en cours. Il y a bon espoir que ces discussions déboucheront sur une issue positive, permettant ainsi au Congo de parachever, pour la première fois dans l’histoire de ses relations avec le FMI, un programme avec cette institution.
En matière institutionnelle, le Congo est un pays stable. Les institutions fonctionnent normalement, conformément à la Constitution du 25 Octobre 2015. La stabilité politique et institutionnelle est une réalité vivante au Congo. Les institutions publiques fonctionnent sans rupture. Les élections pluralistes ont régulièrement lieu à date échue.
Sur le plan des indicateurs macroéconomiques, les perspectives sont bonnes. En effet, le dernier Comité National Economique et Financier tenu en novembre dernier, a noté une amélioration de l’activité économique, tirée par la plupart des activités du secteur hors pétrole, en dépit des contres performances enregistrées dans le secteur pétrolier. Aussi, la croissance de l’économie congolaise ressortirait à 3,1% en 2024, contre 1,5% en 2023. Le taux de croissance du Produit Intérieur Brut réel devrait se situer à 2,9% en 2025, avant de ressortir à 4,8% en 2026 et 5,5% en 2027.
On doit à la vérité de reconnaître que les réformes en cours dans le champ de la gouvernance économique et financière, adossées à l’exécution normale du Programme avec le FMI et au ballon d’oxygène apporté à la trésorerie nationale par le PNOT sont parmi les indicateurs qui peuvent justifier un optimisme raisonné.

Joseph MITALAMO