Il n’y a pas à dire: nous sommes devenus des gens de dialogue. Et théoriquement, cela devrait signaler des hommes et des femmes de paix, un pays de sérénité où les litiges se règlent par la concertation consensuelle. A la veille de chaque élection, nous nous imposons un dialogue national, naturellement inclusif, qui permet d’accorder nos violons et d’aller tranquillement au vote. Un dialogue à organiser dans un département différent, là aussi pour ne pas marquer une préférence qui pourrait être source de frustrations ataviques. Du cosmétique.
L’an dernier, nous étions à Madingou pour la présidentielle remportée par Denis Sassou-Nguesso en mars. Cette fois, nous irons à Owando début mars, pour les législatives du mois d’octobre. Vacances tournantes. Rituel qui ne peut être chahuté, d’autant que les partis d’opposition, fatigue véritable ou manque de véritables idées d’alternance, ont répété à l’envi cette exigence de dialogue comme préalable au vote. Maintenant que l’idée est incisée dans les marbres, que le pouvoir adhère sans difficulté à la tenue de ce dialogue, il règne comme un air de délassement.
Comme si ce qui était une exigence ne vaut plus la peine, ni de se battre pour, ni de se donner la difficulté de la nourrir d’autres exigences corsées ou même de subtilités politiques destinées à mettre le pouvoir dans l’embarras. «Vous vouliez un dialogue? Venez à Owando!», a répondu le pouvoir, non sans malice. Que l’on n’en pas que les législatives d’octobre ne seront pas, comme de tradition, contestées et critiquées; jugées non-démocratiques parce que prétendument arrangées d’avance !
Nous connaissons le jeu de farce auquel se livrent pouvoir et majorité, pour se distribuer des per diem en bonne conscience. Au sortir d’Owando, il y aura des poches pleines pour un Congo toujours dans la figuration, et dans la pauvreté de la majorité. Il faudra qu’un jour soit de nouveau tiré le bilan véritable de ces concertations, pour en dégager le véritable bénéfice qu’en tire le pays. Il nous faudra nous asseoir pour un autre dialogue sur le dialogue !
Le jeu va consister maintenant à réussir à placer son nom sur la liste des participants. Si ce n’est son nom propre, celui de son cousin, de son parti ou de son association, étant entendu que l’essentiel est d’en être. Porteur d’idée? A quoi bon, tant qu’il s’agit de dire plus tard: «J’étais moi aussi à Owando !». Le dialogue sait apaiser les urticaires, calmer les démangeaisons et lénifier ce qui aurait pu se transformer en prurits infectieux. Ce n’est pas plus mal d’ailleurs ; mieux vaut cela que de vouloir se gratter à coups de kalachnikovs.

Albert S. MIANZOUKOUTA