A l’approche des échéances électorales, nous avons été rappelés à l’ordre : que les médias ne servent pas de porte-voix aux ambitions de haine et aux antagonismes des partis politiques. Le Conseil supérieur de la liberté de communication de qui émane ce rappel semble sincère. Son interpellation semble partir du désir de bien faire. Dans la salle où il avait réuni les journalistes mardi dernier, aucun confrère n’a voulu poser de question à la fin de l’exposé.
Soit que les points soulevés étaient d’une grande évidence pour tous, soit que les hommes et femmes de médias conviés n’aient pas voulu rallonger la séance en moulinant des concepts, au fond, partagés. Aucun journaliste ne s’est rendu coupable de participer volontairement à une entreprise de sape de la cohésion nationale. Aucun véritable professionnel n’irait courir jouer les pousse-aux crimes dans aucune officine de parti politique où il ne serait pas invité. Parce que la réalité est ailleurs.
Elle n’est pas dans le travail de la presse, mais dans l’éthique que pratiquent les partis politiques. Rappeler aux journalistes qu’ils ne doivent pas tendre le micro aux formations qui se lancent déjà dans la campagne électorale est un manque d’attention à la réalité du terrain. Qui s’interdirait de couvrir une opération de mise en place des sections de base du PCT, principal parti politique ? Et le faisant, qui lui ferait le grief de manquer à l’éthique ?
Aussi n’est-ce pas le journaliste qu’il faut blâmer, mais les différents partis qui ne se réveillent qu’à l’orée des élections majeures et le reste du temps entrent en léthargie. L’homme et la femme de médias sont particulièrement fondés de commenter les événements politiques du pays. Ils ne sont ni bons, ni mauvais a priori. Parce que, au nom même de la liberté d’opinion, les leaders politiques et les journalistes sont appelés à partager un angle de vision qui vise à servir leurs opinions.
Dans l’histoire longue de la liberté des médias, même l’Eglise catholique s’est rendue compte qu’il n’existe pas, par principe, une bonne et une mauvaise presse. C’est l’opinion, multiple et variée, qui se choisit sa presse, la soutient et la fait vivre. Nous sommes dans un pays où il n’est pas rare de condamner le tribalisme. Mais, en général, aucune station de télévision ou de radio, aucun journal ne s’est proclamé ici comme partisan de la presse tribaliste, qui n’existe pas.
Donc, le problème est ailleurs. Il est dans les partis qui, tout en disant œuvrer pour l’unité, le travail et le progrès ainsi que le proclame la devise nationale, font que nous n’avancions pas. Tous les détournements de deniers publics, les prévarications et les dilapidations des ressources nationales dont nous pâtissons sont le fait des hommes et femmes politiques réunis en partis. La presse rend compte, elle ne fabrique pas.

Albert S. MIANZOUKOUTA