En ce mois de décembre, nous nous réjouissons de la remise du Prix Nobel de la Paix. Qui que soit le récipiendaire, de quelque continent qu’il vienne, notre assurance est presque toujours la même. Car, quelles que soient les raisons qui décident le Comité Nobel de Norvège à désigner un ou une lauréate, c’est toujours pour injecter un peu plus d’humanité qu’elle le fait. Naturellement, notre joie est plus grande quand cela échoit sur une ou un originaire d’Afrique!
Mais cette année, nous, dans la presse, avons des raisons de nous enorgueillir plus particulièrement. Parce que la valeureuse médaille a été décernée à un homme et à une femme journalistes. Maria Ressa et Dmitri Mouratov ne sont que des confrères, pas même des voisins puisque l’une est Philippine et l’autre Russe, mais ils ont en commun de s’être engagés au prix de mille et un périls pour la liberté d’informer. Le Prix Nobel a voulu promouvoir cette année, et pour l’une des rares fois, la liberté de presse.
Le Prix Nobel de la Paix de cette année a voulu aussi distinguer un homme et une femme vivants. Car trop souvent, nous ne distinguons les hommes et femmes de vertus dans ce métier qu’une fois morts, souvent assassinés. Parce que la liberté de presse se gagne chaque jour au prix des privations d’hommes et de femmes embastillés, torturés, emprisonnés, assassinés pour ne pas faire avancer la cause de la paix dans le monde. Une cause qui ne se reconnaît aucune exception et qui avance au contraire pour tous quand elle n’avance que pour certains. Quelle que soit la race.
Nous célébrons le Prix Nobel de la Paix cette année avec d’autant plus de jubilation que nous avons peu de joies dans l’exercice de notre métier. Une virgule mal mise, une parenthèse non rapportée vous font dire des choses que, parfois, on aimerait plutôt cacher. Cette année, ce Prix Nobel de la Paix nous donne aussi l’occasion de tourner le projecteur vers notre propre exercice de la liberté au Congo. Quel est l’état des droits de l’homme chez nous ? Dans ce domaine-là au moins, sommes-nous bien situés dans les classements ? La vérité nous commande de répondre par la négative. Si on ne peut pas dire que le pays vit dans un régime de goulag, on ne peut pas non plus affirmer que nos prisons ne sont remplies que des seuls criminels de qui il faut protéger les paisibles citoyens.
La semaine dernière, des cellules de commissariat ont défourné des cadavres sur lesquels police et famille se perdent en conjectures. Dans notre rédaction, nous avons aussi reçu le récit d’un père effondré par l’assassinat d’un fils qu’il a retrouvé à la morgue au bout de trois jours de recherches. A Pointe-Noire et à Dolisie, des rumeurs courent. En politique, nous savons que Paulin Makaya a été empêché de sortie du pays pour des raisons non spécifiées. Ainsi, de privations des libertés en grignotage des droits, nous présentons une situation hybride. Or la liberté d’opinion n’existe que quand elle ne s’accompagne ni de «si», ni de «mais». Est-ce vraiment le cas?
Albert S. MIANZOUKOUTA