À chaque anniversaire de la disparition de l’ancien vice-président de la République du Congo, Jacques Opangault, notre regretté frère le journaliste MFUMU FYLLA lui consacrait un article dans un journal local. Ce dernier, disparu il y a bientôt trois ans, le devoir me revient de prendre sa relève pour ce 45ème anniversaire afin de perpétuer la mémoire de cet illustre homme politique de notre pays.

En effet, le 20 août 1978, il y a 45 ans, celui que l’on qualifiait de «parangon» de la politique congolaise, Jacques Opangault quittait ce monde. C’est l’occasion de revenir sur la vie d’un homme dont l’intégrité ne cesse d’inspirer des générations de patriotes. Sans pour autant s’appesantir sur sa biographie déjà largement partagée, il est néanmoins loisible de relater certains faits et actes qui traduisent le caractère particulier de cet acteur de la politique congolaise à ses débuts.
Natif de Boundji dans la Cuvette centrale, Jacques Opangault a commencé sa carrière comme écrivain interprète dans l’administration coloniale dans les années 1930, puis l’a terminée comme greffier au Palais de justice de Brazzaville.
Avant de créer le Mouvement Socialiste Africain (MSA), formation politique sous la bannière de laquelle il est connu et reconnu, Jacques Opangault a d’abord disposé d’une formation politique essentiellement syndicale, notamment avec la Confédération Générale du Travail (CGT) française, avant de participer à la création du GEC (Groupe d’études communistes). Dans ce premier groupement politique local et sorte d’embryon de parti communiste, militaient également Félix Tchicaya, Aubert Lounda, Julien Boukambou, et tant d’autres dont des Français. L’aventure ne fut que de courte durée puisque le groupe se scinda lorsque Jacques Opangault se rapprocha des socialistes de la SFIO et que Félix Tchicaya adhéra, avec quelques autres dont Aubert Lounda, au Rassemblement Démocratique Africain (RDA) de Félix Houphouët Boigny, proche, à l’époque, du Parti Communiste Français.
Toutefois, la situation dans les colonies était loin d’être une sinécure pour les populations locales. Face aux tracasseries coloniales, la population du département du Pool organisa une révolte contre l’impôt de capitation connu sous l’appellation «impôt des trois francs» imposé par les colons. En guise de représailles, le préfet de la ville de Brazzaville et du Pool, Pierre de Butafocco se lança dans une répression féroce de la population où les arrestations, exécutions sommaires n’avaient d’égal que le saccage, la dévastation et l’incendie des villages. Ces exactions qui sont restées gravées dans la mémoire des populations de la région du Pool, se sont déroulées en 1941, sous le règne du gouverneur général Félix Eboué.
La réaction de Jacques Opangault et de quatre de ses compagnons, Moïse Eckomband, Pamphile Adada, Charles Kibat, et Jacques Mouenekolo, ne se fit pas attendre. Une pétition fut rédigée et déposée chez le gouverneur Félix Eboué qui n’hésita pas à les faire arrêter et juger à Kinkala. Emprisonnés pendant quelques temps, ils furent élargis mais Jacques Opangault fut exilé en Oubangui Chari, l’actuelle République Centrafricaine. Preuve d’une solidarité réelle et sans hésitation aucune avec les compatriotes du Pool, en balayant les pesanteurs géographiques et cela dans le cadre d’une nation congolaise encore balbutiante, cet exemple est le premier des actes qui caractérisent la personnalité de Jacques Opangault et de ses convictions politiques.
Le second acte, relativement connu de tous, demeure la solidarité affichée envers le président Fulbert Youlou au lendemain du soulèvement populaire des 13, 14 et 15 août 1963 qui intervint en son absence. En effet, alors qu’il était en mission à Rome où il était allé plaider la cause de l’indépendance angolaise auprès du Vatican, le gouvernement fut renversé. A son retour, il fût approché dès l’aéroport par les services français et certains syndicalistes qui lui firent la proposition de remplacer l’abbé Youlou, son partenaire de l’exécutif. Même si ses relations avec ce dernier n’avaient jamais été un long fleuve tranquille depuis la défection du député Yambo, Jacques Opangault déclina cette offre qu’il considérait déloyale et indécente, et demanda à rejoindre son partenaire en prison, démontrant aux yeux de tous, sa loyauté et sa grandeur d’esprit.
Le troisième fait, lui, reste par contre très peu connu. En effet, alors qu’il passait paisiblement sa retraite à Boundji, en 1966, après trois années de détention, un avion affrété par les réseaux de Jacques Foccart atterrit un jour, non loin de là, en provenance d’un pays voisin avec une cargaison d’armes que d’étranges passagers européens venaient lui fournir. Ces derniers lui suggéraient de créer une rébellion au nord du pays contre le président Alphonse Massamba-Débat. L’argument présenté par ces étranges visiteurs était, selon ces pieds nickelés que «le président Débat aurait de l’aversion pour les Congolais de la partie septentrionale de notre pays». Jacques Opangault, les écouta sans broncher. Mais après leur départ, il prit l’encombrante cargaison et alla la jeter dans l’Alima en ayant pris soin d’avertir le président Débat. C’est ainsi que la rébellion n’eut jamais lieu, la politique de «diviser pour régner» ayant été étouffée dans l’œuf.
Enfin en 1968, après l’accession du commandant Marien Ngouabi au pouvoir – que certains esprits limités ont voulu interpréter comme un désir de venger Jacques Opangault du basculement de la majorité parlementaire en faveur de Youlou, lors de la défection de Yambo en 1959 – il lui fut proposé d’assumer de hautes fonctions sous ce régime du Conseil National de la Révolution (CNR). Une fois encore, sa constance ne se démentit pas. Il déclina l’offre, poliment, estimant qu’il avait déjà fait son temps et que ce pouvoir des jeunes trentenaires très enthousiastes était celui de tous les dangers. Son frère Simon Pierre Kikounga Ngot qui y adhéra, dut déchanter. Il quitta cet attelage six mois plus tard.
Voici quelques faits marquants de la vie de cet homme que le regretté Mfumu qualifiait également d’«étoile filante» de la politique congolaise. Retraité paisible à Boundji, avec une pension trimestrielle de moins de 100 000 francs CFA, il avait refusé tout reclassement sur liste d’aptitude en tant que ministre de la Justice.
Voilà mon frère Mfumu, de là où tu nous observes, tu dois être quelque peu satisfait que je puisse prendre ta relève pour la perpétuation de la mémoire de ton grand-oncle Jacques Opangault.

Brazzaville ce 28 Aout 2023

Emile OPANGAULT
Avec la collaboration d’Elie Mavoungou