Le bon vieux mot honneur qui donne honorable, substantif et adjectif, est à mes yeux plus convenable que celui d’hommage, certes assez usuel, puisque dans l’entendement comparatif de la langue française moderne, le substantif nominal honneur prend un rang plus élevé et renvoie sans ambiguïté à la notion de dignité: est honorable, celui ou celle qui se distingue par sa dignité, tandis que le vocable hommage désigne, dès sa création au Moyen Age, une valeur sociale hiérarchique, à savoir: le sentiment de soumission, sinon de subordination féodale d’un vassal à son seigneur.

Ngoie Ngalla2
Pr Dominique Ngoïe-Ngalla

Par conséquent, il me paraît plus gratifiant d’honorer la mémoire du Professeur Dominique Ngoïe-Ngalla que de lui rendre hommage, mot qui a une forte saveur médiévale.
A Mbamou, dans le Pool, entre Kinkala et Kibouendé (naguère Baratier), sous la férule du R. P. Jean Morizur, je suis en classe de 4e, lorsque Dominique Ngoïe-Ngalla entre en 6e, avec son fidèle ami, le futur prélat, évêque de Kinkala, Monseigneur Louis Portella Mbouyou.
La particularité de la classe de 4e est que, après deux ans de grammaire latine stricte, l’initiation au grec classique (dialecte attique) commence sous la direction rigoureuse du R.P. Jean Leduc, admirable helléniste, reconnu par l’Académie de Paris où nos devoirs de grec étaient parfois expédiés pour évaluation officielle.
Sur la rive droite de la rivière Lembote, au Collège épiscopal Saint-Paul de Mbamou, donc, le jeune Dominique Ngoïe-Ngalla, appliqué, fort courtois, avait déjà une réputation de brillant gréco-latiniste. Sa maîtrise du plain-chant, soit la musique vocale à une voix de la liturgie romaine, plus connue sous le nom de grégorien, était précoce. Dominique Kimbembo, futur abbé, était alors le maître de chant, au niveau de toute la communauté.
Une adolescence studieuse, rigoureusement encadrée, inculquant des valeurs et un certain sens de la vie humaine, avec des enseignants compétents, justes, privilégiant toujours l’Essentiel.
Puis ce fut la dispersion au gré des circonstances de l’existence.
Baccalauréat, licence, maîtrise et doctorat d’Etat, une ouverture d’esprit sur la Modernité, Dominique Ngoïe-Ngalla est reçu de facto dans le corps enseignant universitaire du Congo, parcourant étapes et grades avec une aisance révélatrice d’une puissante intelligence: assistant, maître-assistant, maître de conférences, professeur titulaire des Universités, professeur titulaire avec chaire (le cas de Dominique Ngoïe-Ngalla).
Un enseignant aux principes les plus élevés:documentation de première main, critique historique merveilleuse, discours oral limpide, fluide, rythmé, style écrit exceptionnel par la beauté et la logique, Dominique Ngoïe Ngalla fut sévère ennemi de l’approximation intellectuelle.
A vrai dire, en histoire, le professeur Dominique Ngoïe-Ngalla a accompli quelque chose de très rare et de très difficile: l’explication historique sous forme de nuance narrative qui procède par concepts synthétiques (au sens, bien entendu, de Kant). Ces concepts synthétiques qui étendent le Concept rendent celui-ci certain dans les raisonnements historiques. Ce qui suppose, plus que le talent, du génie, et la distinction entre talent et génie n’est pas vaine. D’un mot: le concept s’étend, et les extensions du concept étendu opèrent leur fonctionnalité grâce au concept initial.
Pour saisir l’intérêt du problème en question, il faut avoir lu les essais historiques et historiographiques comme ceux d’Ibn Khaldûn, de Giambattista Vico, de Benedetto Croce, de Jules Michelet, d’Arnold Toynbee ou de Cheikh Anta Diop.
Le sens de la vie intellectuelle, nous le devons au professeur Dominique Ngoïe-Ngalla, esprit tout entier de beauté et d’élégance, de densité amicale et fraternelle, de sincérité sans faux-semblants.
L’un des éminents fondateurs de l’Ecole historique de Brazzaville, le professeur Dominique Ngoïe-Ngalla, désormais dans la Lumière éternelle, buvant du nectar et s’alimentant d’ambroisie divine, est toujours parmi nous, par sa gentillesse, son amitié, son érudition, sa simplicité, sa fulgurance intellectuelle, sa dignité d’être et l’honneur de faire progresser l’humanité.
Vale, Dominique!