Le détour par l’histoire d’un ensemble politique de notre sous-région, depuis disparu, mais qui a légué un patrimoine spirituel considérable à notre pays, le Congo, dont les ancêtres du gros de la population étaient des ressortissants de cet ensemble politique, le détour par l’histoire du royaume de Kongo, a été le prétexte saisi par madame Belinda Ayessa, Directrice du Mémorial Pierre Savorgnan De Brazza, pour convoquer un colloque scientifique international qui réfléchirait sur la problématique du vivre-ensemble qui préoccupe le Gouvernement de notre pays, qui espère trouver là, réponse qui ne soit pas d’ordre intellectuel et théorique seulement, devenant vite un misérable slogan creux. Comment faire pour que, dans l’Etat multiculturel de notre pays, convergeant vers des objectifs partagés et tendu vers un même but, la multiplicité des communautés morales, ou ethnies installées sur l’espace social du pays se tolèrent, s’accepte dans un mutuel accueil citoyen ?

Et, justement, l’organisation de la communauté politique du royaume de Kongo, son éthique, pourrait être, pour les Congolais, le modèle qui inspire les attitudes citoyennes que nous appelons tous de nos vœux en notre pays. Fédération d’une multitude de communautés, certes organisées autour des mêmes valeurs dominantes, la langue, la religion, les codes sociaux, les codes juridiques, mais opposées par bien des particularismes locaux, le royaume Kongo parvint à les faire cohabiter en harmonie.
Moyennant quoi, la communauté politique Kongo fut d’une admirable stabilité politique et sociale.
Il en eut été ainsi des siècles encore sans l’intrusion des Occidentaux dans la gestion des affaires du royaume. Et qu’est-ce donc qui, sur des longues générations, assura cette stabilité politique du royaume? Le consensus de toutes ses composantes sociales sur la nécessité du respect des valeurs de civilisation des principes et des normes politiques sur lesquels reposait l’organisation du royaume
Dans les Etats africains postindépendances, le niveau de désordre baisserait, et quoique d’origines culturelles différentes, les acteurs sociaux de ces Etats auraient des liens moins heurtés si les pouvoirs publics de ces pays se montraient plus respectueux des lois de la cité, à l’élaboration desquelles ils avaient eux-mêmes participé. Le développement d’une nation reste de l’ordre de l’utopie sans, chez les hommes politiques, une réelle volonté de s’arrimer à la règle.
La première règle à respecter religieusement étant la constitution la loi fondamentale, le fondement même du vivre ensemble, mais impossible dans la paix et l’harmonie, sans une éthique qui fournit les principes existentiels: principes d’action raisonnables, de maîtrise de soi, de contrôle des émotions et des passions; de perfectionnement de ses potentialités.
C’est ce que nos Ancêtres Kongo désignaient du terme Kimuntu qu’on peut entendre comme la réalisation ambitieuse d’un idéal d’humanité, qui est aptitude à l’accueil de l’autre. Et comment les femmes et les hommes qui font de la culture du Kimuntu un objectif prioritaire, ne réaliseraient-ils pas entre eux, le vivre ensemble que nous appelons de nos vœux ? Pour y être, un minimum de discipline de nos affects suffit.
Cette méditation de la civilisation du beau royaume a convoqué des philosophes, des historiens, des psychologues, des écrivains, des anthropologues, des historiens de l’art. A partir de l’angle d’attaque que lui indiquait son profil de formation intellectuelle, chaque intervenant a mis au centre de sa réflexion, le dynamisme et la vitalité de la civilisation et de la culture Kongo à travers les âges.
Culture et civilisation Kongo si vivantes que, même dans le Nouveau monde où ils furent déportés, elles survécurent dans nombre d’activités ou elles devinrent, pour les malheureux esclaves, un merveilleux refuge spirituel, mais aussi un bel héritage non seulement pour les descendants de ces esclaves, mais aussi pour le monde tout entier; tant cette civilisation Kongo véhicule de valeurs universelles.
C’est dire combien ce colloque a eu raison de rappeler aux Congolais leur devoir de mémoire vis-à-vis de leur passé dont ils ont tant à apprendre, s’ils veulent relever le défi d’une construction de la Nation qui s’annonce problématique, pour le moins. La nation nait (sans doute progressivement) lorsque, même venus de mille horizons culturels divers, mais d’accord sur des valeurs partagées, des femmes et des hommes travaillent à surmonter leurs différences originaires et consentent à vivre ensemble, dans l’harmonie.
Pour former à terme une même grande âme collective, une même conscience collective, mais qui ne va pas sans le sacrifice de chacun et de tous. Le sacrifice de nos égoïsmes.

Dominique NGOIE-NGALLA