Un jeune homme arrêté après s’être introduit chez son ancienne employeur dont il maîtrisait les habitudes. Sauf que le cambriolage envisagé à mal tourné, puisque la maîtresse de maison a eu le temps de prévenir la police, qui s’est déportée sur les lieux. Le jeune homme qualifié de «bébé noir», le nom donné au Congo- Brazzaville à ces hordes désœuvrées de jeunes qui n’hésitent pas à semer et à distribuer la mort sur leur passage.
Et les drames et forfaits commis par ces jeunes ne font que se multiplier.
Il ne se passe pas une semaine sans que ceux ceux-ci ne défraient la chronique des faits divers dans les grandes villes du Congo. Au menu: vols, viols , extorsions avec violence, voire le crime pour achever leurs sales besognes.

1- Les missions de la Police

Parmi les différentes missions de la police congolaise, celle-ci est chargée entre autres: «… de contribuer à la promotion de l’Etat de droit; d’assurer la sécurité des personnes, des biens et des institutions; de veiller au respect des lois et règlements de la République; de veiller à la sureté de l’Etat, à la sécurité du territoire contre le terrorisme, la criminalité transnationale et autres menaces extérieures; de veiller à la protection de la population contre les catastrophes, les risques et les fléaux de toute nature».
Des misions nobles dans leur fondement et qui sont le lot commun de toutes les polices de bien des pays.
La différence selon les pays s’observe dans l’accomplissement du service public envers la population.
Et c’est à ce niveau que le bât blesse, puisque la réputation sulfureuse de cette police porte bien ses grades, tant les bavures et les entorses à la loi sont énormes. Il sied de rappeler la pensée d’Irène Khan, avocate bangladaise et ancienne secrétaire générale d’Amnesty International: «Il ne peut pas y avoir de paix sans justice et respect des droits humains.»

2- De l’exécution sommaire

Ce jeune homme arrêté en flagrant délit par la police est présenté sur une vidéo devenue virale sur les réseaux. On y aperçoit un jeune homme à peine sorti de l’adolescence, que l’on aurait eu du mal à croire qu’il puisse se livrer à de tels actes, s’il n’avait été arrêté au moment de son passage à l’acte. Et aussi en suivant ses aveux contenus dans ladite vidéo.
Le jeune apparaît menotté, c’est dire qu’il ne représentait plus, à partir de ce moment-là, une menace ni pour l’ancienne patronne, ni pour les forces de l’ordre en présence et encore moins pour la société.
Or, avec stupéfaction, et horrifié, moins de cinq jours après cette arrestation, des nouvelles images sont apparues sur les réseaux, montrant le jeune homme, allongé, mort dans un cercueil!

3- Que s’est-il passé?

La vidéo de l’arrestation ne nous montre pas le jeune cambrioleur comme étant souffrant ou malade. Il est, en apparence, en bonne santé et s’exprime sans aucune difficulté.
Alors, comment expliquer son décès, alors qu’il était entre les mains de la Police et donc, détenu dans un commissariat, dans l’attente d’une présentation devant le juge que ce jeune soit retrouvé mort?
Comment est-il mort? Aurait-il succombé à une crise cardiaque? Le dire relèverait d’un euphémisme. Dire qu’il a été exécuté apparaît plus approprié.
Mais la question qu’il convient de se poser est celle de savoir, pourquoi exécuter un sujet qui ne représente plus un danger ni une menace pour la société?

4- Une exécution pour l’exemple et la dissuasion?
La mort de ce jeune homme doit interpeller plus d’une personne, n’en déplaise à la bien pensance qui estime que ce jeune n’a eu que ce qu’il méritait. Tous comme les autres «bébés noirs» précédemment exécutés de manière sommaire. Il semble qu’au Congo, une certaine jurisprudence consacre la mort de toute personne prétendue coupable de vol ou suspectée et désignée comme un voleur par la vindicte populaire.
Qui a ordonné ou décidé de l’exécution de ce jeune homme? Une semaine après cet acte horrible et qui jette le discrédit aussi bien sur l’institution de la Police que sur les responsables hiérarchiques, le silence est toujours de mise. En gros, circulez, il n’y a rien à attendre. Un dangereux criminel a été tué, alors il ne faut pas se lamenter sur son sort.
Bien évidemment, le silence du ministère de l’Intérieur, qui n’a pas daigné communiquer sur un tel acte, laisse pantois et perplexe. Un acte sûrement jugé comme un banal fait divers, alors qu’il doit susciter une véritable indignation et, en même temps, une réflexion au sein de la société congolaise.
La Police, chargée d’assurer la sécurité, s’est, tout simplement, muée en exécutrice des citoyens, sans le moindre respect des droits humains et en toute violation de la loi.
Si la Police, chargée de faire respecter la loi, la viole allègrement et devient hors-la-loi, que peut-on en attendre?
D’aucuns se réjouissent de l’exécution de ce jeune homme, donnant ainsi libre cours à leur ras-le-bol, face aux exactions et méfaits de ces prétendus «bébés noirs». Certainement qu’il faut croire que les mêmes réactions seront au rendez-vous, si un de leur proche parent était exécuté dans des circonstances similaires? Dès lors que les bornes sont franchies? Il est à craindre que l’on s’oriente vers une société où règne l’anarchie. Le Révérend Martin Luther King, le disait autrement: «La moindre injustice, où qu’elle soit commise, menace l’édifice tout entier.»

5- Quelles sont les mesures face à ce phénomène des «bébés noirs»?

D’abord, il importe de préciser que l’émergence du phénomène des «bébés noirs» ne date pas d’hier. La question qui se pose est de savoir, quelles sont les mesures drastiques qui ont été prises pour y faire face?
Ensuite, il convient aussi de pousser la réflexion pour s’interroger sur la liberté parfois déconcertante avec laquelle ces «bébés noirs» commentent leurs forfaits, et ce parfois en pleine journée. Dieu seul sait qu’il est impossible de faire cent mètres à Brazzaville, Pointe-Noire, Dolisie et Nkayi, pour ne citer que ces quatre villes, sans croiser un policier ou tomber sur un militaire en arme. Dans ces conditions, comment expliquer que ces jeunes arrivent à opérer en toute liberté sans être inquiétés?
Aujourd’hui et puisque le phénomène a pris de l’ampleur, il importe d’avoir une réflexion concertée des diffractés acteurs relevant aussi bien de la sécurité que de la société civile. L’objectif étant de définir un parc d’action sécuritaire pour y faire face.
Ce phénomène n’était pas présent dans les années passées et s’est développé à un instant de l’évolution de la société congolaise. Quelles en sont les causes profondes? Est-ce lié aux violences découlant des pogromes des guerres à répétions que le pays a connus? Ou de la paupérisation de certaines couches de la société?
Selon le Dalaï Lama, «la paix n’a de signification que là où les droits de l’homme sont respectés, là où les gens sont nourris, et là où les individus et les nations sont libres.»
Ailleurs, les jeunes ayant basculé à la marge de la société sont pris en charge et intégrés dans des structures spécialisées avec des programmes de réinsertion.
Enfin, depuis que le phénomène des «bébés noirs» est apparu, bon nombre de ces jeunes marginaux ont été soient brûlés, tués par la population, quand ce ne sont pas les forces de l’ordre qui se sont chargées de les exécuter en pleine journée devant un public heureux et content d’être débarrassé d’un rébus de la société.
Or, ces nombreuses exécutions n’ont pas eu le moindre effet dissuasif, puisque ces marginaux continuent de sévir et à se multiplier.
L’impunité dont semble jouir les forces de l’ordre au Congo ne milite pas au renforcement d’un État de droit, mais témoigne plus d’un laisser-aller qui confine à un désordre qui ne dit pas son nom.
La pauvreté est un terreau sur lequel émerge des comportements nouveaux et parfois dangereux. Et ces mutations de la société nécessitent des réformes pour faire face aux défis sécuritaires qui en découlent.
La vie humaine est et demeure sacrée. Nous tenons à le rappeler. Une société qui a tendance à le méconnaître ne peut prétendre au label d’Etat de droit. Dont acte.
Cette tribune ne vise pas à légitimer, ni à encourager les actes de ces jeunes qui sont tout aussi victimes que ceux qu’ils volent et tuent.
Elle n’est guidée que par le mépris de l’injustice et de l’arbitraire sous toutes ses formes.

Cédric MPINDY,
Juriste de formation et résidant en France exactement à Melun (8 Bis avenue Thiers 7700 Melun – France